Il était temps que la France, bien plus à la ramasse que sa réputation de pays progressiste ne le laisse entendre, se mette aux gender studies sous le nom de Presage (Programme de Recherche et d’Enseignement des SAvoirs sur le GEnre).
Les genders studies ont enfin leur département à Sciences Po.
Cela fait quarante ans qu'elles font partie des enseignements aux Etats-Unis ...
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir de ce côté de l'Atlantique des figures françaises représentatives telles que Monique Wittig ou Christine Delphy, entre autres, qui écrivent et publient dans une relative indifférence.
Les genders studies ont pour principal axe de travail la mise en lumière des rouages sociaux qui installent, légitiment et perpétuent les inégalités dont sont victimes les femmes.
Cependant les champs d'application sont aussi multiples que les domaines où l'oppression s'exerce: langage, travail, sexualité, représentation sociale, etc.
Comme le résume avec justesse Judith Butler, il s'agit « de chercher à comprendre les enjeux politiques qu'il y a à désigner ces catégories de l'identité comme si elles étaient leurs propres origine et cause alors qu'elles sont en fait les effets d'institutions, de pratiques, de discours provenant de lieux multiples et diffus.».
Ceci dit, si je me réjouis de l'intervention de la brillante historienne Michelle Perrot, je ne comprends pas le choix des initiatrices du projet d'inclure dans le comité scientifique des chercheuses essentialistes comme Françoise Héritier qui soutient que « la différence des sexes – à la fois anatomique, physiologique et fonctionnelle – est à la base de la création de l’opposition fondamentale qui permet de penser ». Si l'on est convaincue que cette opposition est fondement et nécessité de l'humanité pensante, pourquoi intervenir sur des études qui, justement, tendent à prouver que la différence des sexes n'est fondement et nécessité QUE lorsqu'on la décrète comme telle ? Et surtout, que pourront en retirer les études LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuel.le.s et Transgenres) qui font partie intégrante des gender studies ???
Source de l'info: numéro 218 de Sciences Humaines, rubrique "Actualité de la recherche", article "Les gender studies à Sciences Po".
J'ai moi même découvert l'existance des Gender Studies au Danemark. Il m'a fallut du temps pour comprendre de quoi il s'agissait tellement je ne m'attendais pas à ce que ces études existent. Mais comme la France a toujours 3 trains de retard...
RépondreSupprimerOui, le mélange des genres (essentialiste embarquée dans une recherche non essentialiste) est un peu signé "made in Sarkoland" dont le mélange de genres est la spécialité première.
RépondreSupprimerOn ferait mieux d'inclure les genders studies dans la recherche générale sur une autre forme de société à dessiner, comme ce que pratique par exemple Attac Allemagne. Partout où une recherche sur les nouvelles structures économiques et sociales à mettre en place nous permettant de sortir de ce sytème aliéné, se pratique, il faut occuper la place avec le féminisme. Si on ne veut pas que cela devienne un concept masculin que les femmes n'auraient plus qu'à adopter en silence.
Françoise Héritier essentialiste? Ce n'est pas confondre avec les cohortes de "sociologues musulmanes" style Fatema Mernissi, ou avec Camille Lacoste-Dujardin?
RépondreSupprimer" Et surtout, que pourront en retirer les études LGBT "
"Et surtout"? Cette minorité serait-elle plus importante que les femmes (qui sont plus de la moitié de l'humanité, pas les LGBT).
@ Alice
RépondreSupprimerLes 3 trains de retard dont tu parles sont aussi dûs au fait que le France est parmi les pays les plus anti-féministes. Dans l'article de SH, la journaliste expliquait ce retard par la peur, je cite, "d'un féminisme de mauvais aloi" ...
Ce genre d'études, certains le savent, mettent en lumière des choses qu'ils préféreraient laisser dans l'ombre. D'où les parades à deux balles et le dénigrement de théories progressistes.
@ Euterpe
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec toi sur le fait que le projet de sociétés économiquement et socialement plus humanistes doit se faire avec les femmes et le féminisme.
Les sociétés les plus féministes, c'est-à-dire essentiellement en Europe du Nord, sont celles où les habitant.e.s se disent les plus satisfait.e.s de leur vie. Socialement et économiquement, la présence et la représentation des femmes est un atout pour les nations que l'on néglige au profit d'une culture et d'une politique phallocentrées.
@ Floréal
RépondreSupprimerOui, je trouve Françoise Héritier assez essentialiste. Pour elle, "la différence sexuée est la première chose observable et sur laquelle la volonté humaine n'a pas de prise. Aucun moyen n'existe pour changer la donne : il y a du masculin et il y a du féminin."
Pour moi, cette différence n'est observable que si l'on cherche à l'observer et la volonté humaine est au contraire la seule chose qui permettrait (permettra ?) d'abolir cette barrière fictive. Elle parle beaucoup des différences physiologiques et biologiques femme/homme comme des frontières à ces deux groupes. C'est oublier les intersexes qui floutent ces frontières et qui font que la division femme/homme n'est pas un critère judicieux puisqu'inventé (on opère très tôt les enfants qui présentent à la naissance les attributs des deux sexes: c'est un marquage de frontière).
Elle fait partie des chercheur.e.s qui voient dans cette division et ses inégalités quelque chose d'indépassable car invariant suivant les époques ou les lieux.
Ca ne m'empêche pas de trouver son travail passionnant et son engagement féministe louable mais je me questionne sur la pertinence d'une telle position au regard de de ce qui sous-tend les gender studies.
Enfin, je ne considère pas les LGBT comme plus ou moins important.e.s que les femmes. Certaines sont des femmes, d'autres veulent le devenir et d'autres cherchent à y échapper. Les LGBT posent plus que tout autre groupe le problème de la frontière construite du genre sexué. Ce sont els qui mettent "le trouble dans le genre" et leur place dans les genders studies est non seulement historique mais quasiment centrale.
Dois-je revoir ma définition du "genre" ? je croyais qu'on disait genre au lieu de sexe pour permettre justement de ne pas être piégé par le "sexe". Les études de "genre" étudient aussi bien les hommes que les femmes où je me suis trompé ? Pourrions-nous avoir une définition des études de "genre" selon les féministes ?
RépondreSupprimerLes différences physiologiques et biologiques femme/homme comme des frontières à ces deux groupes existent bel et bien, il me semble. Ou on a la capacité de mettre au monde l'humain en accouchant, et on est une femme, ou on ne l'a pas et on est un homme, un-e intersexe, ou tout ce qu'on veut mais pas une femme (après il y a la question du choix de se reproduire ou pas, mais c'est autre chose. Les femmes qui ne le font pas n'en sont pas moins des femmes).
RépondreSupprimerPerso, je n'accepte pas que des "autres que femmes" parlent pour les femmes (hommes ou tout ce qu'on voudra), parlent à ma place. ça je le refuse net. Sinon, les femmes sont renvoyées... à leur féminitude et il est ou alors le féminisme en tel cas? ça ne manque pas, les blogs trèèès féministes à la théorie irréprochable, sur lesquels... il y a moins de femmes qu'autre chose, qui ont toujours raison et savent mieux que vous.
Ce n'est pas un homme "fémiste" ou un-e LGBT qui va venir me dire comment on se sent éloignée et exclue parce qu'on a un bébé. Il n'en sait rien, ne le saura jamais. Seule en ce domaine ma parole vaut, et pas la sienne.
Je ne supporte déjà pas qu'une femme qui n'a pas eu d'enfant vienne me dire comment on doit les élever, ce n'est pas pour ouïr benoitement la docte sapience d'hommes ou de tout ce qu'on voudra... ça me rend même agressive, ce cas de figure.
@ Lesbotte
RépondreSupprimerEn premier lieu, les genders studies sont issues du mouvement féministe. Il n'y a donc de définition des gender studies QUE selon les féministes. Aucun autre courant de pensée ne s'y est intéressé ... désolée.
Ensuite, oui les gender studies étudient aussi bien les femmes que les hommes mais dans leurs rapports hiérarchiques (dominant/dominée). Ai-je dit le contraire ?
Enfin, je ne comprends pas votre question sur la définition du genre. Qu'est-ce qui vous gêne dans le terme ou son emploi dans la dénomination en question ?
@ Floréal
RépondreSupprimerEncore un point sur lequel on n'est pas d'accord !
Pour moi, les intersexes sont la preuve que du féminin au masculin il n'y a pas de frontière nette. Pour illustrer, on peut prendre, par exemple les Noirs et les Blancs. Si on les place sur une ligne horizontale du plus noir de peau au plus blanc, il n'y a aucun point reconnaissable qui pourrait avoir valeur de frontière. Même chez les personnes métissées, il y en a qui tirent un peu plus vers le noir et d'autres vers le blanc ... on les place dans quel "camp" alors et quels sont les critères de "tri" ?
Les intersexes peuvent avoir des organes des deux sexes ... on les place où ?
A mes yeux, les classes de sexe sont une invention humaine (qui permet de légitimer les inégalités femme/homme). Elles sont aussi incongrues que celle qui consisterait à classer à la naissance les nourrissons selon leur taille (grands/petits) en prétextant que les petits pourront faire plus tard des choses que les grands ne pourront pas faire (se glisser dans des espaces réduits) et inversement (accèder à des objets haut placés). Sans compter qu'il y aurait pas mal de nourrissons moyens dont on ne saurait que faire.
Après, sur la question des LGBT, je ne vois pas en quoi leur implication dans les gender studies est une menace pour le féminisme. Les lesbiennes subissent aussi des discriminations parce qu'elles sont des femmes, les transgenres aussi (puisqu'els sont des femmes à un moment donné). Il n'y a que les gays qui échapperaient au phénomène s'ils ne subissaient pas la même haine du féminin que l'on croit reconnaître chez eux.
Les femmes constituent un groupe hétéroclite: des mères et des non-mères, des lesbiennes et des hétéros, des très "féminines" et d'autres pas du tout, des noires, des blanches, des riches, des bourgoises ou des chômeuses. Chaque "sous-catégorie" a ses problématiques spécifiques mais l'ensemble forme la classe des femmes parce qu'elles subissent toutes la même discrimination de base (à laquelle s'ajoutent éventuellement d'autres discriminations: lesbienne, Noire, issue d'un milieu défavorisé, etc.).
Pour moi, le féminisme doit tendre à l'abolition des discriminations envers les femmes dans la perspective d'une seule catégorie humaine.
Mais les lesbiennes, ce sont des femmes. Qui peuvent enfanter comme n'importe quelle femme. Qui appartiennent à la catégorie femme, à l'univers féminin, et qui sont "patentées" pour parler en leur nom. D'ailleurs, elle sont généralement féministes et font souvent preuve de compréhension et d'une réelle générosité envers les autres femmes, d'humanité envers elles.
RépondreSupprimerEt elles sont la plupart du temps phagocytées par les gays dans les "mouvements" homosexuels; il faudrait encore qu'elles s'alignent sur le standard masculin.
Mais quid des "autres" Il me semble que LGBT etc sont surtout une minorité revendiquant des droits pour soi-même, pas pour les femmes, mais en utilisant le féminisme, et au nom des femmes...qui sont renvoyées à leur féminitude, leur maternité, bref à leur catégorie subalterne au bout du compte.
Les femmes sont la moitié de l'humanité, avec ou sans enfants, lesbiennes ou non, pas des intersexes ou des gays. Et c'est la moitié la plus exploitée, pauvre et discriminée globalement.
Les intersexes on les place où? Mais dans ce qu'illes choisissent d'être selon ce qu'illes se sentent. ça ne leur confère pas le droit de parler au nom des femmes si c'est le genre de leur choix au prétexte qu'elles seraient plus patentées qu'elles parce qu'intersexes ou trans. Et dans les cas ou illes ont été socialisés comme hommes, et donc comme appartenant à la classe sexuelle dominante, c'est bien ce qu'il se produit la plupart du temps: illes prétendent savoir plus et mieux que les femmes.
@Floréal
RépondreSupprimerc'est ce que je ne supporte pas avec Patric Jean, que ce qu'il dise soit juste ou pas, lire un HOMME se dire féministe me parait hautement incongru
c'est comme si un bourgeois disait à un ouvrier ce qu'ils doivent faire pour se libérer, très peu crédible
Héloïse a bien raison de parler de luttes des classes, c'est bien de ça dont il s'agit entre les hommes et les femmes et il faudra que la MAJORITE (nous, les femmes) prenne un jour le pouvoir (et comme le système politique nous empêche de le prendre démocratiquement, la révolution sera indispensable !)
@ Floréal
RépondreSupprimerJe comprends ce que tu dis mais je ne me place pas sur le même axe que toi: capacité/incapacité d'enfanter ... d'où le malentendu.
Je vois plutôt les choses en termes de victime/non-victime de la misogynie et les gays, par exemple, subissent quelque part cette misogynie tout en restant des dominants sociaux.
Quant aux trans, fréquentant plutôt des lesbiennes, je ne connais pas forcément ce milieu. Je suis assez sensible aux discriminations qui les touchent et j'adhère au message qu'els renvoient, c'est-à-dire dépasser les frontières de genre.
Cependant, on peut retrouver chez les gays la misogynie qu'eux-mêmes subissent. Et chez les trans, une personne qui les a cotoyé.e.s me rapportait récemment que les théories trans (notamment FTM) et pro-queer niaient la misogynie au profit d'une valorisation de la virilité.
C'est pour tous ces aspects évoqués que les genders studies (women's studies d'ailleurs à la base) peuvent apporter un éclairage féministe au sens strict du terme aux réflexions LGBT qui, j'en reste convaincue ont leur mot à dire et beaucoup à apporter aussi à l'abolition des classes de sexe et de genre.
@ Florence
RépondreSupprimerLa légitimité des hommes pro-féministes est une vaste question dans laquelle je ne m'aventure pas pour le moment, me contentant d'observer.
J'en connais quelques uns qui sont intègres et sincères et plus féministes que certaines femmes. C'est à nous d'être vigilantes sur une éventuelle prise de pouvoir au sein des réflexions mais, en général, ça se passe bien.
Patric Jean a fait un bon documentaire. Ce n'est pas le réalisateur qui m'irrite mais le fait que, même lorsqu'il s'agit de féminisme, c'est encore les hommes que l'on subventionne, diffuse et écoute alors qu'il y a pas mal de féministEs beaucoup plus talentueuses ou pertinentes qui rament.
La censure imposée aux femmes l'est aussi aux lesbiennes comme aux féministEs ...