C'est une discussion avec un groupe de femmes qui m'a conduite à des réflexions à ce sujet.
Ces femmes parlaient de leur progéniture, chacune s'enquérant du nombre et du sexe des enfants de l'autre. Mon tour venant, j'ai déclaré être la mère de deux filles.
L'idée était en suspens depuis le début de la conversation, je le sentais, et a fini par tomber: avoir un fils (ou mieux: plusieurs) c'est vraiment bien pour la mère.
Un mélange de pitié et de condescendance s'est abattu sur celles de l'assistance qui n'avaient pas eu la présence d'esprit de mettre au monde ne serait-ce qu'au moins un petit mâle.
C'est vraiment bien pour la mère. Ok, mais c'est bien comment ? Aucune n'a su expliquer raisonnablement cette préférence.
D'autant plus que beaucoup ont tu la difficulté d'élever ou éduquer un garçon que certaines de mes amies, mères ou professeures des écoles, m'ont parfois confiée à demi-mots.
On sait que pour un père, avoir un fils est le gage d'un prolongement égotiste de leur personne. Les classes de sexe étant parfaitement étanches, les hommes se projettent, si possible, dans leur descendance masculine. S'identifier à leur.s fille.s n'a de sens que s'ils nont pas d'autre alternative.
Mais quid des mères ???
Est-ce que les mères de fils n'espèrent pas transcender, transgresser légalement la condition qui leur est imposée ? Ce serait un peu comme une sortie du cercle de l'oppression ... mais par procuration.
Si l'on pense que pour beaucoup, l'enfant représente un bout de soi (la chair de ma chair, dit-on), avoir un fils ouvrirait une brèche dans le carcan de la catégorie de sexe à laquelle on est d'office affiliée et qui est beaucoup plus prégnante que ce qu'on l'imagine.
De nombreuses féministes, dont Ti Grace Atkinson*, ont mis à jour ce processus à travers l'alliance avec les hommes que les femmes recherchent via le couple ou le mariage, leur permettant d'accéder aux prérogatives sociales et personnelles qu'il leur est difficile, voire impossible, d'atteindre du bas de leur condition.
Mais un mari, un concubin ne sont pas des valeures sûres. A tout moment, il peuvent vous planter là malgré contrats et serments ... pas un fils qui, même brouillé à mort avec sa mère, restera SON fils.
Quelque part il restera toujours un "bout d'elle" au masculin, un "elle" en mieux. Ici, pas de bénéfice matériel ou social direct mais l'illusion d'échapper, même par la voie la plus détournée et la plus vaine qui soit, à l'infériorité intériorisée de son statut de femme.
Pourquoi vaine ? Parce que cette échappée en solitaire ne changera jamais d'une once la condition initiale à laquelle on croyait se soustraire.
Vaine et dangereuse. Une amie, syndicaliste convaincue, me disait il y a peu qu'il n'y avait plus de conscience de classe.
Il en va de même pour les femmes, victimes d'un système oppressif bien rôdé, qui, en usant de palliatifs individualistes (s'appuyer sur des alliances masculines trompeuses), non seulement entretiennent l'idée d'une suprêmatie masculine mais se détournent des seules voies efficaces: l'empowerment et l'action collective.
* Odyssée d'une Amazone
Comme je la connais bien cette condescendance de mère de garcon à mère de fille ! Et j'ai beau les regarder avec condescendance en retour pour bien leur montrer comme je suis fière d'avoir une fille, elles trouvent toujours moyen de faire l'étalage des talents en maths ou dans je ne sais quel domaine technique de leur petits génies, matières qui, je n'y peux rien, n'intéressent absolument pas ma fille et comme les matières scientifiques, mathématiques et techniques sont survalorisées par rapport à l'art, l'histoire et la littérature, elles arrivent toujours à faire en sorte que je me sente cloche face aux prouesses de leurs merveilles. Je ne peux pas les sentir d'autant qu'en effet, il s'agit de leurs fils et non d'elles ! Mais qu'est-ce qu'elles sont fières d'avoir mis au monde un mâle ! Quelles esclaves quelque part! me dis-je.
RépondreSupprimer@ Euterpe
RépondreSupprimerAh! Les fameuses filières scientifiques survalorisées parce que prétendues masculines.
Ma fille aînée, qui suit une orientation Sciences Economiques et Sociales, le vit au quotidien.
Mais ces filières "Sciences Humaines" étaient autrefois prisées ... jusqu'à leur féminisation.
Pareil pour les domaines scientifiques moins "durs" (ou plus proches de l'humain.e) tels que la biologie ou la médecine qui ont subi une dévalorisation avec l'arrivée des femmes (en médecine, les femmes sont désormais majoritaires).
Les femmes affadissent tout ce qu'elles touchent. La dévalorisation dont elles sont depuis des siècles l'objet déteint sur leurs activités.
Il est vraiment temps de restaurer cette image ternie, noircie par des lustres de crasse misogynie.
moi je voulais (mais c'était pas une obsession) un fils parce que je craignais la relation qu'une fille allait tisser avec son père. Je craignais d'être laissée pour compte et d'avoir le mauvais rôle pendant sa crise d'adolescence. Finalement, j'ai eu une fille, le père s'est très peu investi et tout s'est bien passé. Alors je ne regrette rien et ma fille est très forte en math, bien plus que son cousin mathieu donc ça ne veut rien dire le sexe.
RépondreSupprimer@ MarieRose
RépondreSupprimerJe pense qu'on craint d'avoir des filles aussi pour "l'héritage" qu'on va leur transmettre.
D'ailleurs, je me demande si le conflit mère-fille dont nous rebattent les oreilles les psys ne trouve pas plutôt sa source dans cet héritage social difficile à digérer lorsqu'on est une ado en pleine rébellion.
Aux contraintes biologiques (règles, risques de grossesses) qui débarquent à cette période s'ajoute la découverte, même assourdie, d'une société hostile aux femmes (viols, violence, inégalités dans les sphères privées et publiques, etc.).
Et à qui s'en prendre si ce n'est à celle que l'on pense coupable de cette transmission ?
Bref, merci MarieRose: vous m'avez ouvert les voies d'une réflexion à ce sujet !
Et bichonnez bien votre fille !!!
@ Emelire
RépondreSupprimerCa fait du bien de constater qu'il y des mères comme toi qui tentent de donner une éducation égalitaire à leurs enfants. Hier soir, j'étais à la plage et une mère a lancé à son petit garçon, qui s'était blessé le pied sur une pierre et qui pleurait, que "les garçons, ça ne pleure pas"
:(