Peu d'informations sont disponibles sur les analyses de Ti Grace Atkinson, féministe radicale américaine des années 70. Le seul ouvrage en français disponible est "Odyssée d'une Amazone".
Je voudrais tenter ici de relayer une partie de sa pensée sans la trahir et sans m'enfoncer à outrance dans une vulgarisation réductrice.
Atkinson est à l'origine de cette phrase relativement célèbre suivant le milieu dans lequel on gravite: "Le féminisme c'est la théorie, le lesbianisme c'est la pratique".
Pour comprendre ce que recouvre vraiment le terme lesbianisme ici, il faut se pencher un peu sur son cheminement intellectuel.
En effet, l'amalgame féministe=lesbienne renvoyé sans cesse comme une insulte par les hommes, a titillé sa curiosité. L'Oppresseur* ne commettant jamais ce qu'elle nomme des "erreurs mécaniques", elle pressent que se cache derrière la répétitivité de l'invective de quoi apporter à l'action féministe.
Atkinson sait que les lesbiennes ne sont pas forcément et ouvertement féministes. Inversement, beaucoup de féministes se défendent d'être lesbiennes. Pour elle, le lesbianisme au sens strict est une solution "individuelle" et non "politique". Il est d'ailleurs dans l'intérêt de l'Oppresseur* que ce groupe ne soit pas politisé même s'il tolère qu'il échappe aux institutions oppressives: mariage, maternité, prostitution, pornographie**.
C'est d'ailleurs ce statut particulier à mi-chemin entre Opprimées* (puisqu'elles sont des femmes) et Oppresseurs* (puisqu'elle bénéficient de certaines prérogatives masculines) qui les place dans ce qu'elle appelle la zone intermédiaire. Et c'est sur cette zone "pré-révolutionnaire" que le féminisme doit s'appuyer stratégiquement pour espérer sortir les femmes du carcan de l'oppression. En politisant les lesbiennes et en lesbianisant les féministes dans une même conscience de classe.
Le lesbianisme selon Atkinson est avant tout politique. Il est "cet engagement volontaire et total d'une femme envers les autres membres de sa classe. C'est cet engagement absolu, indifférent à toute considération d'ordre individuel, qui confère toute sa signification au lesbianisme".
La pensée de cette brillante féministe est dense, il m'est impossible de parler dans l'espace d'un seul billet de toutes les problématiques qu'elle a soulevées: la sexualité et l'amour comme outils d'oppression, l'apport précieux des femmes âgées (les F.A), les jeunes filles non encore soumises à l'oppression mais choyées comme des "agneaux sacrificiels" ainsi que les rapports de classe et de hiérarchie qui s'instaurent au sein même du mouvement féministe, le corrompant en introduisant ce que précisément l'on combat.
J'y reviendrai peut-être.
* j'ai conservé pour ces termes les majuscules du texte original.
** sur la question de la pornographie, la situation s'est dégradée depuis pour les lesbiennes puisque l'on trouve des films les mettant en scène pour un public masculin.
Personnellement, j'ai une collègue lesbienne qui me regarde toujours d'un air ironique lorsque j'aborde des sujets féministes. Je rouspète d'ailleurs souvent à propos de sa tiédeur en la matière. Alors, parfois elle condescent à s'intéresser aux problèmes que j'aborde, mais, en général, elle trouve que j'exagère. Je me demande si ce n'est pas parce qu'elle vit dans son cocon à bonne distance des hommes, alors que moi, j'ai toujours eu affaire à eux de beaucoup plus près.
RépondreSupprimerMoi, c'est ma soeur qui est lesbienne et pas féministe pour un sou ! Comme tu dis, elle vit d'un certain côté dans son cocon dans le confort de cette "zone intermédiaire". Confort relatif quand même car elle et sa compagne subissent de nombreuses discriminations en tant que lesbiennes mais aussi en tant que femmes parfois.
RépondreSupprimerJe connais aussi pas mal de féministes lesbiennes.
Je pense que derrière le lesbianisme, qu'il soit politique ou pas, il y a une lucidité, parfois assourdie, de la catastrophe que représente la condition féminine et une tentative d'y échapper par le rejet des hommes et/ou l'activisme politique.
entiérement d'accort avec l'auteure de sette phrase !!! c'est en s'écartant totalement des hommes qu'on peut vivre en de or de leurs influenses et vivre plainement féminines !
RépondreSupprimerLa lecture des commentaires est amusante : j'ai adhéré trois ans à une association de féministes ET lesbiennes, créée par trois lesbiennes et elles n'arrêtaient pas de me demander (en entendant mes déclarations et opinions féministes) si j'étais sûre de ne pas être lesbienne ! Je leur répondais en rigolant que ben oui, j'étais sûre mais que je serais toujours indéfectiblement de leur côté ! :-))) En ce qui concerne le billet, je connais de nom Ti Grace Atkinson mais ne l'ai jamais lue. Je vais m'y mettre.
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