dimanche 22 juillet 2012

Prostitution, pornographie, etc.




"Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître"

Audre Lorde





... a fortiori quand ils sont suggérés par les maîtres eux-mêmes

dimanche 1 juillet 2012

Pourquoi je suis et reste abolo

Ca ne se fait pas en général de s'absenter longtemps sans donner de nouvelles. C'est pourtant ce que j'ai fait, veuillez m'en excuser. A ma décharge, une très très mauvaise passe comme il en arrive parfois dans une vie. Cela ne m'a pas empêchée de suivre l'actualité féministe.

Des déceptions comme l'acquittement d'Orelsan au procès qui l'opposait aux Ni Putes Ni Soumises au motif de la liberté d'expression, notion qui est règlementée en France  et trouve ses limites dans le respect de l'autre. Histoire d'affirmer que les femmes et les prostituées sont encore en-deça de l'altérité qui a au moins le mérite de valider une existence. Et dans la lignée cynique d'un machisme qui se repaît de sa légitimité, la présence conjointe aux Eurockéennes de Belfort de Bertrand Cantat et du gland sus-cité  ... Le praticien et son théoricien réunis. L'occasion peut-être pour Cantat de remercier Orelsan pour la perspective de voir un jour entrer dans le dictionnaire le grand-oeuvre de sa vie: maritrintigner, verbe du premier groupe signifiant rosser une femme de coups jusqu'à son décès au prétexte de la défense de l'honneur viril. Ca t'a quand même plus de gueule que conjugaloviolenter ou même féminicider. Bref.

Il y a eu aussi de bonnes surprises comme la détermination de Najat Vallaud-Belkacem à tenir bon sur l'abolition de la prostitution. Durant toutes ces années pendant lesquelles le sujet de la prostitution m'a mobilisée, où j'ai lu nombre d'arguments abolitionnistes et règlementaristes, j'aurais pu à l'instar de Crêpe Georgette retourner ma veste et virer défenseuse du commerce du sexe. Le seul argument qui aurait pu éventuellement avoir raison de mes convictions est justement celui qu'elle évoque: la prostitution permet à certaines migrantes d'assurer leur subsistance. Comme tous ces emplois sous-payés et pénibles qui leur échoient et qui relèvent essentiellement du domaine du care. Je rajouterais que les non-migrantes y sont confrontées également si l'on se rapporte au taux de 80% d'emplois précaires tenus par des femmes.

Sauf que la prostitution ne sera jamais un métier comme les autres, même légalisée le stigmate perdure car il est le moteur de la prostitution. Un stigmate si puissant qu'il en est devenu l'insulte la plus virulente. Et la plus nécéssaire: à qui d'autre qu'à une pute a-t-on l'autorisation tacite de faire subir des pratiques que l'on n'oserait, même en pensées, faire subir à toutes les autres.

Et sauf que c'est sur la pauvreté, notamment des femmes, qu'il faut agir et non sur la diversification des expressions de cette pauvreté. Bâtir une conviction sur un pis-aller (de la misère, il y en aura toujours) c'est céder au jeu des capitalistes cyniques. Bien sûr qu'il vaudra toujours mieux vendre son rein plutôt que de crever de faim mais est-ce pour autant qu'il faut institutionnaliser la pratique afin qu'elle se déroule dans des conditions sanitaires optimales ? Est-ce que l'enjeu premier, celui que nous ne devons pas perdre de vue, n'est pas que plus personne n'ait à vendre son cul, ses yeux ou son foie pour manger ? Dans la négative, nous asseyons la misère en légitimant ses palliatifs.

Bebertnorbert l'a bien compris, la pauvreté de ces femmes lui permet de faire des économies sur le dentifrice et de continuer à baffrer de la viande bien grasse:


" En plus, on leur rend service sinon elles crèveraient de faim dans leur pays.
Et même si elles sont pas d'accord au départ, et bien elles s'y font. Mieux que de crever de faim, non ? Au départ, c'est quand meme des crevardes et on leur donne une chance de survie.
Aucune femme non tarifée ne veut de moi, alors j'en viole une dans la rue ? Le porno, ça me suffit pas je veux du frais.
Les gros moches qui sentent de la bouche ont aussi le droit de niquer !"


Manger à sa faim sans avoir à subir un fist-fucking et ses conséquences est un droit, c'est celui pour lequel nous devons nous battre. Celui de niquer est une invention masculine que la légalisation de la prostitution entérine. La privation de nourriture conduit à la mort, la privation de sexe à la frustration. Or, la résistance à la frustration est une question d'éducation.

Une éducation qui en finirait avec la notion de virilité qui encourage l'appropriation forcée des femmes et le déni de leur consentement. Viol ou prostitution:

"Si la ministre désire ici aider les femmes en établissant le client comme bouc-émissaire, c’est finalement l’homme qui est ici visé, car derrière l’homme, on voit le client et le violeur. C’est comme si l’on souhaitait qu’il soit asexué." Sylvain Mimoun.
Que "l'homme" soit asexué, qu'on lui refuse le viol et la prostitution, seules voies manifestement de sa mâle identité, rien à faire. Je suis et reste abolo.