jeudi 29 mars 2012

Attention ! Espace féministe protégé

Ce blog a reçu récemment des commentaires de masculinistes. Alors, avant de dresser un bref portrait de ces hommes (et quelques femmes), de leur démarche et de leurs stratégies, je voulais préciser que je ne publierai plus leurs interventions.

Je tiens à ce que ce lieu reste un espace pour militer, s'informer, échanger et réfléchir sur des bases féministes et pro-féministes, libertaires et anti-violence. Et ce ne sont pas les intimidations retorses qui me feront taire ! Je suis convaincue du bien-fondé et de la cohérence de ma démarche, que celles et ceux qui ne partagent pas mes positions aillent donc parler suppression du droit à l'avortement, maintien des rôles traditionnels et inégalitaires, déni des violences sexospécifiques ou protection des pauvres hommes victimes des femmes et du féminisme AILLEURS.

Les masculinistes ne sont pas encore très connus en France, ils n'en sont pas moins présents et actifs. Il y a un masculinisme "officiel" avec des théories et des structures d'appui (comme SOSpapa) et un masculinisme plus informel et latent (les oppositions grossières et virulentes aux actions féministes en font partie).

Comme on peut le lire sur la page Wikipédia qui ne s'en sort pas sur la définition, certains voudraient faire du masculinisme le pendant symétrique du féminisme, soit "le combat mené par des hommes pour obtenir les mêmes droits que les femmes" ... (sic).

Encore faudrait-il que la condition masculine soit source de discriminations avérées et mesurées et que les perspectives de changement envisagées soient égalitaires pour faire état d'une quelconque symétrie. Et pourquoi pas "Pour que les riches aient les mêmes droits que les pauvres", hein ?

Qu'à cela ne tienne, les hommes seront aussi des victimes:

- des femmes et du système judiciaire qui laisserait trop souvent la garde ... à celles qui ont l'habitude de s'en occuper
- des féministes qui seraient allées trop loin, inversant les rapports de pouvoir (la phobie projective n'étant jamais loin)
- d'un statut dévalorisé: les moindres avancées, les infimes réhabilitations des femmes étant perçues comme des affronts insoutenables
- de violences au même titre et dans les mêmes proportions que les femmes
- d'échec scolaire en raison de la féminisation abusive du métier d'enseignant.e
- des demandes de divorce exagérées au regard du droit à la propriété privée (même problématique qu'avec les enfants)

Oui, mais comment faire passer ces élucubrations pour la réalité ? :

- en trafiquant les chiffres sur la violence
- en faisant passer la lutte contre les violences masculines pour un complot anti-hommes
- en présentant le masculinisme comme un humanisme
- en inventant des syndromes comme le SAP (Syndrome d'Aliénation Parentale)
- en occupant le champ médiatique alors qu'ils ne sont qu'une poignée

Quel est donc l'objectif réel de ces hommes ?

- entraver les avancées de la condition des femmes qui les font vraiment trop souffrir (argument immanquablement appuyé par le taux de suicide masculin)
- revenir à des modèles traditionnels (femme à la maison élevant LEUR progéniture mais tenue de la leur rendre en cas de divorce)
- supprimer le droit à l'avortement qui dote les femmes d'un libre-arbitre intolérable
- soutenir le caractère naturel et donc inéluctable de la virilité et de ses manifestations, dont la violence, chez les hommes
- maintenir des privilèges fondés sur l'arbitraire et sur l'exploitation, la maltraitance et l'infériorisation des femmes

Bref, des idées peu défendables aujourd'hui et de surcroît ici.

Edit: Comme je m'en doutais, je suis taxée de mensonge et de paranoïa. Le mieux est d'écouter leur conception de l'humanisme et de l'égalité (propos recueillis par Patric Jean):

A propos des femmes et des hommes:
http://vimeo.com/6794502

A propos de la violence conjugale:
http://vimeo.com/6792916

A propos du viol, de la pédophilie et de l'inceste:
http://vimeo.com/6798221
A propos des féministes façon point Godwin:
http://vimeo.com/6797283

samedi 24 mars 2012

Cher Bernard D. de Valenciennes

Comme Télérama, auquel vous avez adressé un puant "courrier des lecteurs", ne publiera probablement pas la réponse que je comptais vous faire pour des raisons que je supposerai plus bas, je vous propose de lire ci-dessous, si vous passez un jour par là, les réflexions qu'il a suscitées chez moi.

En effet, vous dites: "Cher(e ?) Dominique, vous vous étonnez, dans un récent courriel envoyé à Télérama, qu'un article du même journal ait parlé des militant(e)s et non des militant-e-s, orthographe sonnant plus "égalitaire" selon vous. Permettez-moi au nom des féminines parenthèses, de m'insurger contre le soupçon d'infériorité que vous leur prêtez par rapport aux masculins tirets. Ce n'est pas très égalitaire tout ça, hum ! Permettez-moi aussi de vous dire que c'est avec ce genre de débats stupides que les féminist(e)s passent, au mieux pour des emmerdeurs(euses), au pire pour des con(ne)s, non, pardon ... con-ne-s (ça sonne plus égalitaire). Bernard D., un vrai féminist (sans E, ça sonne plus masculin) Valenciennes."

Cette pauvre Dominique, je m'en souviens effectivement, avait suggéré l'utilisation de ce qu'on appelle la typographie légère. Et quand Dominique suggère vous vous insurgez et hurlez au débat "stupide". Si "stupide" que vous lui avez consacré aussi de votre temps ... Le mystère du droit à la stupidité doit être certainement lié au sexe auquel on appartient.

D'ailleurs, ce à quoi les féministes consacrent leur temps est étroitement surveillé. Elles auraient toujours mieux à faire même quand elles parlent de sujets tels que le viol ou la violence conjugale. Mieux à faire, c'est étrangement toujours synonyme de s'occuper des femmes afghannes, par exemple ... c'est-à-dire ailleurs. C'est-à-dire dans des pays que vous n'habitez pas.

J'aimerais également vous faire remarquer la bêtise de votre observation concernant le genre des parenthèses et des tirets. L'Académie Française, bien qu'étant de genre féminin, a toujours été remplie d'hommes. Le féminin d'un nom n'a jamais été gage du respect de la parité chez le signifié auquel il renvoie. L'Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle, une élection présidentielle, etc.

Je vous avoue, je me suis demandé pourquoi Télérama avait publié un courrier aussi réactionnaire et injurieux que le vôtre. Plusieurs hypothèses ont germé: montrer à quel point un antiféministe primaire peut être grossier et malhonnête quand il voit son petit monde bien rangé (avec ses femmes bouclées entre parenthèses) vaciller ou bien illustrer le fait qu'il s'agissait du dernier numéro d'une version dépassée de l'hebdomadaire qui disparaîtra la semaine prochaine (nouveau look, nouveaux concepts, nouveaux sujets, nous apprend le magazine ... nouveaux commentateurs aussi, ce serait pas mal) ou encore signifier aux lectrices et lecteurs que la rédaction tiendra bon sur la typographie lourde qu'elle a utilisée jusqu'ici malgré les nombreuses sollicitations, dont la mienne il y a un an environ.

Dommage, car ces signes typographique comme le tiret (et, horreur, le point voire l'espace), au-delà de l'esthétique égalitaire qu'ils façonnent, facilitent considérablement la lecture une fois acceptés. Mais là ne se situe sûrement pas votre problème. A vrai dire, on a du mal à saisir ce qui vous gêne autant pour ajouter aux classiques "hystériques", "aigries" et "mal-baisées", les cinglants "emmerdeuses" et "connes".
Bernard, dites-moi sérieusement, en tant que "vrai féminist" (!), vous n'avez rien de moins stupide (et méchant) à faire que d'insulter des "fausses féministes" pour une revendication qui ne tuera personne- pas même la langue - et qui est déjà utilisée, ne vous en déplaise, ici et même ailleurs ?

PS: rassurez-vous quand même, vous n'êtes pas le seul à nous invectiver sur nos choix de lutte et nous sommes plutôt habituées à vos arguments et insurrections démesurées qui commencent  sérieusement à sentir le rance.
Ma co-idéologiste du Journal en noir et blanc en parlait justement la semaine dernière.

jeudi 22 mars 2012

Allez les filles

Il suffit de faire une recherche basique sur les citations et proverbes qui ont pour mot-clé le mot "fille" pour mesurer à quel point le mépris affiché envers ce membre de la famille est vivace.

De "Faites faire des études à vos filles. Comme ça, plus tard, elles pourront penser en passant l'aspirateur" (Régis Hauser) à  "Nourrir les filles, c'est engraisser des vaches dont on n'aura jamais le lait" (proverbe sénégalais) en passant par le pathétique "S'il y en a qui ont dix-huit filles, ils ont un terrain de golf" (Christophe Dechavanne) les manifestations de haine sont légion et avoir une fille semble se résumer au mieux à une opportunité (parfois perdue) et au pire à une calamité voire une honte. Quant il ne s'agit pas tout naturellement de rappeler qu'une fille appartient à son père.

J'ai trouvé mille façons de dire qu'avoir une fille ne valait pas grand chose... et rien sur la joie, la satisfaction ou encore la fierté que cela pouvait procurer.

Les pères sont souvent déçus de n'avoir pas eu de fils (ou de n'avoir eu que des filles, c'est pareil). On sent bien derrière ces familles à 4 ou 5 filles qu'un père a usé une mère pour avoir LE fils qui n'est jamais venu. Moi qui ai deux filles, je me suis souvent entendu demander par des personnes aussi différentes qu'intrusives quand je me déciderai à avoir un garçon ... A l'inverse, l'une de mes amies s'est vu refuser par son compagnon le second enfant qu'elle désirait au prétexte qu'il avait déjà eu, avec le premier, le fils qu'il voulait, SON fils.

Quand son ventre fut rond
En riant aux éclats
Elle me dit allons jubile
Ce sera un garçon
Et te voilà
Cécile ma fille ... aïe !

Il n'a pas eu SON fils ...

"Tel père, tel fils", le grand fantasme, fait d'ailleurs écho à l'insistance de certaines personnes à trouver des ressemblances entre un père et son (ses) fils malgré des évidences parfois frappantes. Un exemple célèbre: Thomas Dutronc, dont on aurait du mal à faire le rapprochement avec son père si le nom de famille ne venait à notre secours, n'a rien, contrairement à ce que l'on peut entendre et lire partout, des attitudes, des traits ou même de la façon de faire de la musique qu'a son géniteur. D'ailleurs, en parlant de géniteur, l'ironie du sort qui est parfois mordante révèle de temps en temps que des fils dont on nous a rebattu les oreilles avec les similitudes en tous points avec leur père ne sont finalement pas les fils de leur père ... 

Bref, ce constat jure tristement avec le désintérêt réservé aux filles. Mais, parmi la multitude de phrases odieuses et méprisantes sur les filles, parmi les déceptions à peine voilées (parfois même la rage) qui entourent la naissance des filles, j'ai déniché cette exception:


" J'avais une fille. Je débordais de fierté. Une fille. Le plus cadeau que la vie puisse faire à un homme."
Jean-Paul Dubois dans Une vie française.
Pour parfaire cette modeste réhabilitation, je rajouterais "à une femme aussi" car "Une maison sans fille est une maison morte".








 

samedi 17 mars 2012

Les mots justes (2ème partie)

Encore Nicole-Claude Mathieu qui a été la première à employer le terme de viriarcat qu'elle préférait à celui de patriarcat et qui signifie:

«  ... le pouvoir des hommes, qu’ils soient ou non pères, que les sociétés soient patrilinéaires ou non. »

Construit à partir de la racine vir-, le mot permet à mon sens deux lectures correspondant à deux phénomènes interdépendants: le pouvoir de toute personne de sexe masculin mais aussi, et plus largement, celui du masculin, porté par un homme ou non, dans la société.

Le terme viriarcat permet une représentation plus réaliste des mécanismes à l'oeuvre: là où le patriarcat a tendance à réduire l'oppression à des situations de pouvoir (père, chef, maître), le viriarcat reprend la réalité selon laquelle un fils, un élève, un patient, un cousin, un frère, un conjoint ou un collègue peuvent aussi exercer des violences oppressives en dépit du rapport de pouvoir ou d'égalité dans lequel elles s'inscrivent.

D'autre part, et c'est là la deuxième acception que l'on peut dégager, le mot viriarcat souligne la toute-puissance de la culture masculine qui fonde nos sociétés au point qu'elle en est devenue une culture universelle (quand celle que partagent les femmes est celle de l'altérité). Par viriarcat, on peut également entendre, par extension, tout système fonctionnant sur des valeurs masculines: compétition, conquête, appropriation et hiérarchisation.

Le patriarcat, selon cette nouvelle terminologie, ne serait qu'une des formes du viriarcat et s'il a été laissé pour mort dans les années 70 ce n'est que pour laisser aux observatrices, chercheuses et féministes l'opportunité d'entrevoir l'étendue du phénomène.*


* ce néologisme a d'ailleurs été utilisé par Nicole-Claude Mathieu en 1974.

vendredi 9 mars 2012

Le 8 mars en léger différé

J'ai reçu, par l'intermédiaire d'une liste de diffusion féministe (dont je vais me désabonner), un appel à manifester aux côtés des associations féministes provenant du mouvement pro-prostitution. Le voici dans son intégralité suivi des quelques refléxions auxquelles il m'a amenée:


8 mars: pour TOUTES !
            
Le 8 mars sera une journée de lutte et de solidarité pour les droits
des femmes, de toutes les femmes. Dans cette période de crise aigüe,les attaques touchent particulièrement les femmes dans le monde entier. Nous sommes solidaires des femmes en lutte en Grèce, en Espagne, au Portugal comme en Egypte, en Tunisie et dans tous les pays. En France nous sommes aux côtés des salariées de Lejaby et de toutes celles qui se battent pour leur emploi et leurs conditions de travail, de celles qui se battent contre la précarité et contre le démantèlement des services publics.



       Dans un climat de renforcement de l'ordre moral nous défendons un


       féminisme non-excluant, nous voulons donner la parole à toutes les
femmes dans toute leur diversité. Nous sommes ainsi solidaires des
femmes sans-papiers en lutte pour obtenir leur régularisation, des
gouines pour l'égalité des droits, des trans contre la discrimination,
des assistantes maternelles et des mères musulmanes empêchées de travailler ou d'accompagner les enfants, des putes en lutte contre la pénalisation des clients.




Nous exigeons :


- l'égalité salariale avec rattrapage immédiat
- l'abrogation de la loi HPST et la défense du service public sur la
santé des femmes (maternités, IVG...)
- de véritables services publics de la petite enfance au quatrième âge afin que les femmes ne soient plus obligées d'en assurer la prise en charge
- l'évolution de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences vers une
véritable loi cadre contre les violences faites aux femmes élaborée en concertation avec toutes les organisations concernées
- la régularisation des sans-papières et un véritable accès aux droits
pour toutes les femmes quelles que soient leur situation et leur
origine
- un ministère des droits des femmes avec des moyens conséquents
- le droit d'asile pour les femmes cibles de persécutions et de violences sexistes, lesbophobes et transphobes
- l'abrogation du délit de racolage public et la lutte contre les
politiques actuelles et celles qui nous sont proposées qui ne visent qu'à pénaliser davantage les prostituéEs avec les mêmes conséquences que la LSI de 2003, leur mise en danger, leur stigmatisation au détriment d'une lutte effective contre les réseaux de proxénètes et leurs profits
- la fin des discriminations racistes et xénophobes héritées de l'idéologie coloniale qui touchent en premier lieu les femmes
- l'arrêt de l'instrumentalisation de la laïcité à des fins racistes et sexistes
- la démission des élus auteurs de violences sexistes
- le fin de toutes les mesures médico-juridiques imposées aux trans et des discriminations liées à l'identité de genre
- l'égalité des droits pour les couples de même sexe (mariage, adoption...)
- la construction et l'accessibilité au logement pour les femmes, en
particulier les femmes à faibles revenus et les femmes victimes de
violences conjugales
- une approche débarrassée des stéréotypes sexistes et hétéronormés de l'éducation à la sexualité, des droits sociaux et de la santé et ce dès la crèche


Premiers signataires


Acceptess, Act Up-Paris, Afrique Avenir, ANA (Avec Nos AinéEs), Aides, Arap Rubis, Autres Regards, Cabiria, Collectif Droits & Prostitution, Collectif Tirésias, Etudions Gayment, Fédération LGBT, Fédération Syndicale Etudiante (FSE), Fédération Total Respect - Tjenbé Rèd (Fédération de lutte contre les racismes, les homophobies et le sida),Frisse, Grisélidis, HomoSFeRe, Les Amis du Bus des Femmes, Le Mouvement Français Planning Familial (Confédération Nationale), NPA, OuTRANS, Sol En Si (Solidarité Enfants Sida), STRASS (Syndicat du TRavail Sexuel), STS (Support Transgenre Strasbourg), TaPaGeS,TumulTueuses.

1- En plein milieu (trop au milieu à mon avis pour ne pas être une stratégie (un peu grossière, ceci dit)) des revendications féministes et LGBT, on trouve noyée dans la masse de propositions légitimes celle de la non-pénalisation des clients de prostituéEs.

2- Parmi la liste des signataires, la majorité des associations et groupes n'ont JAMAIS eu, à la base et historiquement parlant, de vocation féministe. Sida, droit des homosexueLs ou des transexueLs, oui, mais quel rapport avec la lutte féministe (et lesbienne) ? Les pro-prostitution n'hésitent pas à s'emparer des thématiques féministes et lesbiennes pour enrober leur revendication androcentrée. Une honteuse instrumentalisation.

3- Il est d'ailleurs curieux de constater comment ces associations occupent le terrain féministe avec une ferveur toute neuve depuis que l'abolitionnisme trouve un écho plutôt favorable dans les politiques et les mentalités ...

4- Précisons que ces associations sont essentiellement dirigées par des hommes qui envoient en première ligne des femmes en guise de caution féminine.

5- ILS prétendent revendiquer des droits pour TOUTES les femmes, sous-entendu les prostituées aussi. Mais pour ces dernières, c'est le droit de se prostituer qu'ils réclament. Lorsqu'on sait que 96% des prostituées aimeraient sortir de la prostitution mais estiment qu'elles n'y parviendront pas, on est en droit de se demander ce que recouvre chez eux ce "TOUTES les femmes". Entre quelques unes et la majorité, il y a un fossé allègrement franchi.

6- A noter également l'incohérence des revendications: alors qu'il a été reconnu par les instances internationales (dont l'ONU) que la prostitution faisait partie des violences contre les femmes et engendrait des situations de Stress Post-Traumatique, nous trouvons à quelques items d'écart la demande d'un loi-cadre contre les violences envers les femmes ET la revendication de perpétuation de cette violence par les clients-prostitueurs à travers leur protection.

7- Autre hiatus frappant: le souci d'égalité et d'éradication des stéréotypes sexistes aux côtés de la défense d'une activité particulièrement inégalitaire dans sa distribution. On nous parle bien de prostituéEs et des clienTs, non ? Ne reste-t-on pas dans une vision binaire et inégalitaire (l'un paye, l'autrE obéit) des rapports de sexe ?

8- L'allusion à l'ordre moral dans les propos liminaires est particulièrement déplacée de la part de personnes qui s'inscrivent dans une logique capitaliste de marchandisation des corps et dans une idéologie patriarcale de rapports de domination par l'argent.

9- L'abolitionnisme mettrait en danger ces femmes. C'est passer un peu vite sur le fait que le plus gros danger pour une prostituée reste le client et/ou le proxénète et c'est occulter tout le volet de prise en charge sociale, sanitaire et professionnelle préconisée dans le projet abolitionniste.

10- Bref, proposer au beau milieu de revendications progressistes et humanistes de perpétuer, soutenir et institutionnaliser in fine une activité née il y a quelques siècles de l'esclavage et s'alimentant encore aujourd'hui de la triple oppression (femme, précaire, étrangère), est tout simplement scandaleux.

dimanche 4 mars 2012

Le bas du front du mois (avec résultats + un lien pile poil)

Sur une idée dont je reconnais la maternité à Je suis féministe, j'inaugure une nouvelle rubrique interactive: un duel de trolls.

Le principe: voter en haut à gauche (au-dessus du petit oiseau) pour le commentateur dont vous aurez préféré la participation. La mauvaise foi, l'absurdité, le paternalisme, la méchanceté gratuite, l'ignorance et bien sûr la misogynie évidente seront autant de critères qui vous permettront de départager les concurrents.

Leurs citations sont extraites des sections "commentaires" de ce blog. Afin de ne pas être accusée bêtement de décontextualisation abusive, le prénom de chaque participant sera linké à la page originelle, histoire aussi de profiter de l'ensemble de l'oeuvre.

NB: les valeureux "Anonyme" se verront attribuer un prénom d'office pour les besoins du concours.

Ce mois-ci, donc (sur la base des commentaires postés en février):

Stéphane:


Disposer d'un sexe qui procure plus de plaisir qu'à l'homme, ne pas avoir à mettre de préservatif (ou rarement) n'est semble-t-il pas suffisant, vous voudriez encore avoir le monopole partout...

Roger (Anonyme du 26/02):


Nier la violence misandre, c'est se rendre complice de tous les crimes contre les hommes.






Edit du 12/03/2012:


A 14 voix contre 12, c'est bien notre anonyme Roger qui a gagné. J'avoue que j'avais déjà un faible pour lui car le coup de la violence misandre c'est de l'inédit.


J'en profite, puisque le sujet a été largement évoqué dans les commentaires, pour rapporter cette information transmise par Sisyphe:
Le Southern Poverty Law Center désigne les masculinistes comme organisations haineuses.




Extrait choisi:
Par exemple, les masculinistes citent souvent de fausses statistiques sur l’incidence et la prévalence des crimes sexuels commis par des femmes et de leurs sévices contre des victimes masculines, affirmant que la situation est au moins aussi mauvaise pour les hommes (si ce n’est pire), alors que la recherche démontre systématiquement que les hommes constituent une écrasante majorité des auteurs de violences, comme l’agression sexuelle en général, le viol et le harcèlement des partenaires intimes, et que les femmes sont très majoritairement les victimes de ces crimes. Sans surprise, la recherche montre tout aussi systématiquement que lorsque des hommes sont violés, ils le sont presque toujours par d’autres hommes, et non par des femmes.
On y retrouve aussi le problème du divorce (soulevé aussi dans les commentaires) qui les lèserait de la garde de LEURS enfants et briserait LEURS familles. L'instinct de propriété qui sous-tend la revendication est assez bien illustré par le commentaire de l'un des leurs et décrit un phénomène que l'on peine encore à pointer:


« Existe-t-il une loi du talion plus adéquate que le fait de tuer les enfants de celles qui étaient si disposées à détruire les familles des hommes, à détruire la patrie des hommes ? »






















jeudi 1 mars 2012

Réflexions sur l'anorexie autour du film Polisse

Avertissement: que celles et ceux qui n'ont pas encore vu Polisse* de Maïwenn, dont je vais dévoiler la fin, ne lisent pas ce qui suit.

Le film m'a littéralement scotchée. Je ne m'attendais pas à autant d'humanité et quand je dis humanité, c'est précisément parce que la brigade que le film suit est montrée aussi dans ses travers les moins glorieux. Des vrais gens, quoi.

Mais c'est sur la fin, dont le coup de théatre intervient dans la toute dernière minute, nous laissant pantois.e.s, que je souhaitais m'attarder. Iris, incarnée par Marina Foïs, l'une des policières que l'on suit, se jette subitement par l'une des fenêtres de la salle où se tient une réunion de rentrée. Sous l'oeil incrédule puis horrifié de l'assemblée qui n'a rien vu venir. 

Et nous passons du temps, spectateurs, spectatrices, à remonter le fil du film pour comprendre. Iris, l'info est distillée à plusieurs reprises, est anorexique. Elle éprouve de surcroît une rancoeur tenace envers les hommes ("tous des sa race"). C'est à peu près tout ce dont nous disposons.

Voici l'hypothèse qui n'engage que moi: Iris n'a pas choisi de travailler pour la Brigade de Protection des Mineurs par hasard. Elle a, comme tous ces enfants qu'elle accompagne dans les dépôts de plainte, subi des abus sexuels. Son métier c'est aussi sa quête personnelle. C'est l'occasion de rappeler, puisque peu le font, que l'anorexie fait partie des symptômes de stress post-traumatique directement liés aux violences sexuelles (50% des cas d'anorexie). Ce corps où siège désormais la souffrance et la honte, il faut le faire disparaître.

Les minutes qui précèdent ce que l'on pense sur le coup être une pulsion irraisonnée sont éclairantes quand on y revient. On y voit les images du petit garçon dont elle a pris antérieurement la déposition. Un petit gymnaste, abusé par son professeur désormais sous les verrous, qui parvient enfin à participer à la compétition qui lui fera gagner une médaille. Quand la tête d'Iris vient frapper le sol, le garçonnet brandit fièrement sa coupe. Il pourra peut-être passer à autre chose. Elle, n'en a jamais eu, n'en aura jamais, elle semble le comprendre à cet instant, la possibilité. Pas de reconstruction possible.

L'anorexie est l'un des troubles psychiques développés par les victimes d'abus sexuels. Cela ne veut pas dire que ces derniers sont la seule cause à ce désordre qui conduit parfois à la mort. Parfois ils se conjuguent comme c'est peut-être le cas pour Iris (dans le miroir qui renvoie un corps décharné, elle dit voir une "grosse").

Mona Chollet, dans Beauté Fatale, y consacre quelques paragraphes. Le lien entre l'exigence de minceur imposée par les hommes, Karl Lagerfeld et consorts en figures de proue du Mouvement d'Affamation** des Femmes, et l'anorexie n'est plus à démontrer. Il s'agit bien d'un diktat qui pourrit l'existence des femmes et les conduit parfois à la mort dans une indifférence quasi-générale. Elle relève la "transposition saisissante" de Naomi Wolf (The Beauty Myth) qui "imagine ce qui se passerait si l'anorexie touchait non pas les jeunes filles, mais les jeunes hommes, dont certains parmi les plus brillants et les plus prometteurs d'Amérique" et qui "parie qu'une affection frappant entre 5% et 10% d'entre eux, et ayant le taux de mortalité le plus élevé parmi les maladies psychiques, "ferait la couverture du Time, au lieu d'être reléguée dans les pages mode.""

Effectivement, il serait dommage pour la grande entreprise de contrôle des femmes que le fait soit connu, reconnu de tous et surtout de toutes. Car qu'il s'agisse de restreindre l'accès des femmes à la nourriture en période de famine ou d'abondance, c'est bien de contrôle par la frustration et l'affaiblissement qu'il est question.

La minceur féminine est bien un projet masculin, imposé aux femmes. L'argument malhonnête selon lequel ce sont les femmes qui l'ont inventée et n'ont qu'à s'en débrouiller ne passe pas le constat que la norme imposée l'est par ceux qui détiennent financièrement les médias et politiquement la culture: annonceuRs, producteuRs, actionnaiRes, couturieRs, etc. Et à votre avis, à qui sont destinés réellement les concours de beauté, la plupart des films, pornos en tête, les clips musicaux qui proposent des modèles de jeunes femmes qui n'ont su conserver leur plastique filiforme qu'au prix de leur santé ?

A qui et pourquoi ?


* mention BC (Bechdel Compatible) pour ce film !
** néologisme dont on ne peut plus faire l'économie