dimanche 23 janvier 2011

Proies

Sur ma page d'accueil Orange, il y a sur la droite un encart avec les "actus du jour". En images et au nombre invariable de trois. En général, la première reprend l'actualité "sérieuse", la seconde les dernières nouvelles du foot et la troisième est consacrée aux people et à la "culture".

Hier, les actus du jour étaient consacrées à la jeune Laëtitia dont l'agresseur présumé est entendu et du film "Le dernier exorcisme" qui sort en DVD apparemment. Euh ... pour le foot, j'avoue, je ne saurais dire de quoi il était question.

Le film en question, je ne souhaite pas le visionner. J'ai eu ma dose d'angoisse avec celui qui l'a inspiré (j'ai d'ailleurs appris par la suite que la jeune actrice de "L'exorciste" s'était suicidée ... j'aurais pas mieux fait à son âge). Mais pas besoin de perspicacité féminine pour comprendre qu'il est basé sur la possession d'une femme par le diable. Tiens, original. Traquées par un tueur en série, un "déséquilibré" voire par le démon, les femmes, qu'on retienne bien la leçon, sont sans ressources. Le message, outre le fait qu'il est asséné massivement et sans nuance, est archi-violent et destructeur. D'autant plus qu'il semble à la fois inspiré et validé par la réalité.

Effectivement, combien de Laëtitia chaque année ?

Mais j'ai dit: il semble. En effet, c'est bien la culture d'une société qui influe sur ses membres, ses comportements et non l'inverse. La réalité du fait divers n'est là que pour renforcer le message. Le viol, le meurtre gratuit sont des rappels à l'ordre ... dont pourront ensuite s'inspirer les réalisateurs soucieux d'alimenter le fantasme. Et ainsi de suite.

Que les violences aient progressé de 13% en 2010 (7% en 2009) et que les viols connaissent une recrudescence portant le nombre de victimes à 200 par jour en France n'est pas anecdotique. C'est bien lié à l'objettisation des femmes dans notre culture. Alain Bauer, président de l'Observatoire National de la Délinquance, parle de "chosisation" des femmes ajoutant que "la publicité, la pornographie (…) amènent aujourd'hui à se servir des femmes comme de punching balls."

Comme l'affirmait il y a quelques jours l'actrice Marina Foïs sur les ondes radio: "La condition des femmes est caractérisée par le fait qu'elles sont considérées partout comme des proies. Je ne suis pas une victime dans ma vie mais je ne me sens pas exclue de ça." Bien vu et bien dit.




Condition de victime, pugnace malgré tout, qu'elle a incarné avec justesse dans un film bijou passé pratiquement inaperçu:




Les femmes se construisent dans le bancal, l'insécure, l'infériorité avérée. C'est comme ça qu'on les veut, offertes au danger. De la femme-objet à la femme proie, il n'y a qu'un pas, celui du moyen au service de la fin. Comment ne pas le déceler en creux dans les propos d'un autre temps de Natacha Polony, sorte de Zemmour au féminin (et chevelu):

"Ces lignes, messieurs, vous sont donc dédiées. Elles sont un hommage à tout ce que peut être un homme. Elles sont un hommage à la virilité, cette qualité tant décriée, et qui n'est rien d'autre que la confiance qu'un homme peut avoir dans son appartenance à son sexe. Une sorte de certitude rassurante car sereine."

Pour eux, la sérénité.
Pour elles, le reste dont les possessions démoniaques et les psychopathes.


Edit: d'après les recherches de Pierre que je remercie, la jeune actrice de "L'exorciste", Linda Blair, serait toujours vivante. Je me suis fiée à une rumeur qui avait couru à l'époque sans l'avoir vérifiée au préalable. Au temps pour moi ...


12 commentaires:

  1. L'exorciste est un film qui m'a traumatisé aussi. Surement parce que je me suis identifiée à cette petite fille, comme tu dis, c'est super violent. Sans compter le fameux "baise-moi", fallait bien qu'il y ait du sexe bien pourri. Dans les films, on est toujours identifiée à celles qui souffrent, notre sexualité est diabolisée, forcément on grandit comment ? Merci pour cette analyse qui me permets de prendre du recul par rapport à l'image de nous même qu'on nous renvoie. A se demander, s'ils n'ont pas de sérieux problèmes mentaux.

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  2. Pour eux la sérénité, pour elles l'angoisse.

    Sinon c'est l'avènement des flagorneuses de mâles triées sur le volet, on dirait !
    Les râleuses resteront dehors car il ne faudrait pas se plaindre de servir de proie, enfin ! On n'a pas compris que ca veut dire qu'on est DÉSIRÉES? (Oui, je suis sarcastique parce que j'ai du mal avec les fillettes massacrées comme ca. En fait, ca me démoralise terriblement).

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  3. Ce n'est pas avec vos sempiternelles victimisations des femmes que vous ferez avancer les choses.

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  4. @Héloïse, je cautionne ce que tu as écrit, le backlash est toujours d'actualité, il n'y a jamais eu autant de femmes étalées partout dans les médias, à moitié nues, offertes à tous les mâles en rut.

    Au lieu de faire le malin piou-piou, qu'as-tu à proposer pour que les hommes ne considèrent plus les femmes comme des proies ? Je suis un homme et j'ai honte d'appartenir à un groupe dont une partie encore bcp trop grande se donne le droit d'agir en prédateur. Certains regards suffisent, il n'y a même pas besoin de mots ou de gestes, parfois.

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  5. J'avais pensé faire aussi un billet sur ce triste fait de société (et non pas fait divers), mais je ne voyais pas comment l'aborder sans tomber dans le sécuritaire et l'accusation de la justice. Le tien est très bien : en effet, proie vs prédateur, toujours les mêmes rôles, et la société qui nous prépare à cela par la survalorisation des défauts masculins et la péjoration des qualités des filles sans parler de l'image des femmes dans la pub. Pas une pancarte ni une banderole là-dessus dans la énième "marche silencieuse" au pont de Saint Nazaire. Mais si l'inévitable Alain Bauer (qui a son rond de serviette dans tous les médias) commence à reconnaître un commencement de début de problème sur l'image des femmes dans les médias et partout dans la société, ouf, on tient le bon bout ! Mais hier soir au journal de France 2 une dame a fait la réflexion suivante textuellement : "Une fille gentille et discrète, elle ne méritait pas ça" ! Voilà : quand on est gentille et discrète -qualités ontologiques de fille, on ne mérite pas d'être tuée, mais dans le cas inverse, la peine de mort s'applique dans un pays qui a aboli la peine de mort ? Dis donc, on n'est pas sorties de l'auberge. Le mal est profond.

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  6. @ Elisa

    Oui, très juste, il y a aussi les fameuses allusions à la sexualité diabolique des femmes. Cette petite fille qui grogne "baise-moi" (avec un crucifix, non ?) c'est carrément ignoble et il faut être sacrément tordu pour faire jouer cela par une enfant et le destiner à un public.

    :(

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  7. @ Euterpe

    C'est vrai que la déprime guette facilement lorsqu'il s'agit d'enfants. Personnellement, j'essaie de la muer en colère et de l'exprimer. Ca me sauve ... un peu. Et puis, qui sait ? Peut-être nos mots, nos actes porteront un jour et nous pourrons voir de notre vivant une amélioration notable ...

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  8. @ Piou-piou

    Vous confondez dénonciation et victimisation. Et d'après vous, qu'est-ce qui ferait avancer les choses, monsieur ?, madame ? le/la spécialiste ès féminisme. Perso, je veux bien des tuyaux si vous en avez ...

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  9. @ Pierre

    Merci pour ton passage ici ;)

    Par contre, ça me peine que tu éprouves de la honte d'être un homme d'autant plus que tu fais partie de ceux qui portent un regard lucide et honnête sur le machisme. Réservons la honte aux violeurs, exploiteurs et prostitueurs en tous genres. En ce qui te concerne, il me semble que la formule "responsabilité assumée" serait plus appropriée.

    A plus !!!

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  10. @ Hypathie

    C'est vrai, j'aurais dû parler de fait de société d'autant plus que c'est l'expression la plus juste pour rendre compte de la situation.

    "Voilà : quand on est gentille et discrète -qualités ontologiques de fille, on ne mérite pas d'être tuée, mais dans le cas inverse, la peine de mort s'applique dans un pays qui a aboli la peine de mort ?"

    A ce propos, j'ai lu un article qui relevait des réactions de personnes qui souhaitaient le rétablissement de la vraie perpétuité et de la peine de mort pour ce genre de crime. Flippant
    :(

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  11. Très bien écrit.

    D'ailleurs, n'apprend -t-on pas aux petits garçons à être forts et se battre, et aux petites filles à être sages et donc, indirectement passives ? :/

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  12. @ Gwoka

    Passives donc sans résistance, ce qui a toutes les implications destructrices que l'on connait. L'éducation sexuée, au-delà de sa façade innofensive, est un crime à bien des égards.

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