Affichage des articles dont le libellé est Charlatanes. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Charlatanes. Afficher tous les articles

dimanche 5 février 2012

Ahhhh ! C'est donc moi qui ai un (gros) problème !

Pardon, alors. Moi qui croyais que ces fameuses affiches étaient juste misogynes.

Encore une fois, les féministes se trompent. Déjà qu'elles se trompent avec DSK, la mention "mademoiselle", la notion de viol et bien d'autres combats d'arrière-garde. Soeurs et frères de tous pays, ne suivez jamais le féminisme, vous vous fourvoierez immanquablement.

Heureusement qu'il en est pour nous remettre les yeux en face des trous.

Comme Peggy Sastre.

Peggy Sastre qui se demande pourquoi les femmes se sont senties représentées et donc blessées par ces affiches. C'est vrai ça, après tout, pourquoi se sentir sans cesse visée ? Elle parvient bien, elle, à faire fi de tout ça, nous apprend-elle. Bon, elle vit à la campagne et, toujours d'après elle, ça semble l'aider. Moi, non.

Pour illustrer son propos, elle va jusqu'à utiliser le parallèle du racisme. Comparer les discriminations n'est pas toujours pertinent, à mon humble avis, et un peu galvaudé aussi mais quand la malhonnêteté (ou l'imbécilité ?) est de la partie, ça donne ça:

"Je veux dire, je peux très bien imaginer des gens passer devant la photo d'un noir en costume trois pièces et ressentir un profond dégoût, parce qu'ils sont racistes et que l'image heurte leurs standards personnels sur l'infériorité des "gens de couleur" ; mais dans ce cas, je suppose que n'importe qui d'à peu près sensé concevra aisément que le (gros) problème vient des individus qui regardent, et pas de la personne, ni même du symbole, représentés."



Or, la vraie question à se poser s'il l'on s'en tient à un parallèle réellement symétrique (discriminé.e passant devant une affiche discriminante et non pas discriminant passant devant une affiche anti-discriminante) c'est pourquoi un Noir, par exemple, se sentirait "représenté" devant une affiche montrant l'un de ses pairs dans une pose rappelant l'esclavage. C'est vrai ça, encore et toujours cette façon exagérée de se sentir visé devant des symboles anodins !
Oui, parce que pour elle, le (gros) problème ne viendrait donc pas du racisme ou du sexisme d'un support donné mais bien de la façon dont les victimes perçoivent ces discriminations.
Oyez, oyez, féministes et militant.e.s de tous poils, Peggy Sastre a THE solution of the life à tout ce qui vous pourrit l'existence: ce ne sont pas la pauvreté, les discriminations et les injustices qu'il vous faut combattre mais bien votre manière de les considérer. Arrêtez de vous sentir représenté.é.s et de fait impliqué.e.s ou blessé.e.s sans raison objective.

Et, si cela vous est possible, partez vivre à la campagne.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

 
Edit: décidément le Nouvel Obs + est un repaire de masculinistes qui ne disent par leur nom. "Cette grosse qui me révulse" est l'horrible titre de l'affreux billet d'une certaine Marie Sigaud. En raison d'une vive indignation de la part de lectrices et lecteurs, il a été retiré mais a été conservé au moyen d'une capture d'écran par un bloggeur qui lui a rédigé une réponse bien sentie.

Ancienne du Figaro.fr, éditée sur le billet en question par Gaëlle-Marie Zimmermann (de chez Zone Zéro, ça parlera à certain.e.s ...) et publiée sur le Nouvel Obs +, que demander de plus quand on veut faire passer son étroitesse d'esprit et sa misogynie larvée pour un débat de fond ?

La vidéo de la pub qui a révulsé cette arnaquée accro à sa ligne:

jeudi 23 juin 2011

Le féminisme à la française: ce qui coince

Dessin de Gloup



Je ne sais pas dire si Libé a enfin réalisé sa prise de conscience féministe ou si sa ligne éditoriale est définitivement floue mais le fait est qu'il publie un article fort éclairant de Didier Eribon sur ce qui se joue réellement dans ce féminisme à la française dont j'avais épinglé certains aspects dans ce billet.

Je n'en copie ici que quelques extraits, ceux qui permettent de comprendre que nous sommes en présence d'un néoconservatisme qui non content de ne pas dire son nom se réclame d'une idéologie subversive (!).

Mais avant, je voudrais apporter une précision qui à ma connaissance a rarement été mise en exergue: le féminisme à la française n'est pas le féminisme français. Si le premier est un antiféminisme avéré et hypermédiatisé dont la figure de proue est Elisabeth Badinter, le second correspond à la réalité idéologique et sur le terrain d'un féminisme plutôt radical et dont les différents mouvements attestent d'une vigueur insoupçonnée car largement censurée.



[Joan Scott] nous invite à reconstituer la cohérence d’une entreprise idéologique qui a marqué de son emprise toute une séquence de la vie intellectuelle française et qu’on peut sans exagération décrire comme une révolution conservatrice, un spectaculaire déplacement vers la droite de la pensée politique au cours des années 1980 et 1990.
[...]

Ce qui apparaît ici au grand jour, c’est que des gens qui se présentaient comme étant toujours de gauche ont fabriqué avec des gens qui se présentaient comme étant depuis toujours de droite un discours foncièrement réactionnaire, dont l’objectif aura été d’éradiquer tout ce qui ressortissait de l’héritage de la critique sociale et culturelle des années 1960 et 1970.
L’une des cibles, parmi d’autres, de ces auteur.e.s * était le mouvement féministe. Sous couvert de défendre une «singularité française» contre le «féminisme américain», c’est le féminisme en général, et notamment le féminisme français, qui constituait l’objet de leur vindicte.La preuve en est que les livres de Claude Habib sont presque intégralement consacrés à dénoncer les méfaits des féministes françaises des années 1970 et, avant elles, de Simone de Beauvoir, qui auraient ruiné les jeux enchantés de la séduction entre les sexes. Dans Galanterie française, [...] elle enchaîne les énoncés qui ressassent ad nauseam cette même idée : [...] «Quand tant de femmes cessent d’être douces, bien des hommes se détournent et cela se conçoit : qui voudrait couver des oursins ?»** Le précédent livre d’Habib vaut également le détour : elle y prescrivait à «la femme» d’accepter d’être «don de soi», car la soumission féminine à l’homme dans le cadre du mariage et du «consentement amoureux» vaut mieux que la guerre des sexes déclarée par les féministes. Elle s’en prenait au mouvement homosexuel, qui s’acharne à perturber cette belle entente, au sein de laquelle, comme pour la danse à deux, l’homme dirige et la femme suit. Elle y revient dans Galanterie française : «Je savais que l’amour entre homme et femme pouvait former des trésors de délicatesse et d’esprit. Les lesbiennes me faisaient l’effet d’éléphants aveugles. Elles étaient dans le magasin. Elles ne voyaient pas la porcelaine

Rendant compte dans un style exalté des écrits d’Habib, dans la revue Esprit, Irène Théry interrompt un moment ses péroraisons sur les mystères insondables de la différence et de la complémentarité entre les sexes pour anticiper l’objection qu’on risquerait de lui adresser : «Les bien-pensants d’aujourd’hui auront tôt fait de soupçonner, dans ce plaidoyer pour l’amour hétérosexuel, la trinité du mal absolu : naturalisme, conservatisme et homophobie.» Qu’on n’imagine pourtant pas que ce magnifique aveu soit le signe d’un début de lucidité. Non ! Théry n’entend pas se soumettre à ce «prêt-à-penser» et elle admire la «force subversive» de celle qui, bravant l’air du temps, n’hésite pas à pourfendre à la fois «les impasses du féminisme»,«l’émancipation individualiste» et «le ressentiment antihétérosexuel». On le voit : ce qui a été rebaptisé par ces auteur.e.s «féminisme à la française» n’est qu’un mélange fort classique, et transnational, de poncifs antiféministes et d’homophobie militante.


Il ne s’agit donc pas simplement d’une mythologie nationaliste, à usages multiples, qu’on voudrait nous présenter comme le fruit d’une réflexion historique ou sociologique. Il s’agit aussi de l’invention d’une tradition qui a pour fonction d’annuler la déstabilisation produite par les mouvements politiques et culturels et de permettre de prôner un retour à une «harmonie» qui n’a jamais existé, de défendre un ordre qui repose sur l’inégalité, la hiérarchie et la domination (des hommes sur les femmes, de l’hétérosexualité sur l’homosexualité …).

On ne s’étonnera donc pas que ces auteur.e.s conjuguent leurs efforts pour attaquer la sociologie critique et l’œuvre de Pierre Bourdieu. Ce dernier a commis l’irrémissible péché de vouloir étudier la «domination masculine» mais aussi de souligner le rôle que le mouvement gay et lesbien peut jouer dans la mise en question des catégories figées de l’ordre sexuel.
La recension par Ozouf du Consentement amoureux de Claude Habib repose entièrement sur ce schéma : le ravissement que produit un livre qui chante les bonheurs de l’amour hétérosexuel, où chacun et chacune jouira d’occuper sa place naturelle, inégalitaire mais librement acceptée, brandi comme un crucifix devant le diable destructeur qu’est le théoricien de la domination et l’intérêt qu’il manifeste pour la radicalité subversive des mouvements féministes et homosexuels. Bref, une idéologie qui en appelle tantôt à l’ordre «naturel» des choses, tantôt à notre «culture nationale» - ce qui signifie, dans les deux cas, à l’ordre politique ancien - contre une pensée qui regarde les réalités du monde social comme un ensemble de constructions historiques qu’il convient de défaire et de transformer. Une tentative de restauration réactionnaire dressée contre l’activité démocratique et émancipatrice. Une banale pensée de droite, contre la pensée de gauche.

* Claude Habib, Mona Ozouf, Philippe Raynaud et Irène Théry 
** Parce que les femmes, qui n'ont pas droit à la douceur masculine (litote), devraient, elles, "aimer couver des oursins" ?

Info de dernière minute pile poil dans la continuité de cet article: le mouvement féministe radical et lesbien français est bien vivant, les Lesbiennes of Color lancent le RAL 2011. Toutes les infos chez Mauvaise Herbe et mYsandriste.

vendredi 10 juin 2011

Petite illustration du féminisme "à la Française"

La magazine Respect, connu pour son ancrage à droite (vous allez voir, la précision a son importance), nous offre une belle démonstration du féminisme made in France. Un féminisme si efficace que notre pays est désormais érigé en modèle par les machos du monde ... L'interview de Lydia Guirous proposée sur leur site en ce moment est un bel exemple de ce féminisme édulcoré, bourgeois et par-dessus tout incohérent qui n'a jamais mené à rien sinon à discréditer celui, moins glamour certes (mais que viendrait faire le glamour en l'occurence ?), qui fait avancer, ou du moins ne pas reculer, les choses.

Je n'ai a priori rien contre le titre "Un féminisme avec les hommes !" si ce n'est une certaine méfiance envers la formule qui annonce quasi systématiquement une compromission à un moment donné. Mais pas de jugement hâtif, laissons à cette jeune femme sa chance de nous prouver que c'est possible, lisons.

Lydia entre en matière en déplorant le manque de solidarité des femmes entre elles, réflexion dont on ne peut que convenir. Elle propose de prendre modèle sur les hommes qui parviennent très bien à se tendre la main. Jusque là, tout va bien. Puis ça dérape sévère en l'espace de deux ou trois misérables phrases:

On ne peut pas toujours montrer les hommes du doigt. Eux, ne vont pas lâcher leurs places.



Il faut aussi aller voir les hommes au pouvoir, les inciter à accompagner la gent féminine vers des postes à responsabilités. Je veux aller les chercher pour qu’ils deviennent féministes !
La solidarité des femmes commence donc par la sollicitation des hommes ce qui est pour le moins ... original. Puis elle consiste à demander poliment des "postes à responsabilités" en sachant pertinemment, c'est elle qui le dit, qu'ils ne "vont pas lâcher leurs places" ! Le cheminement du raisonnement laisse perplexe.


Passons sur l'initiative maintes fois tentée sans succès de rendre les hommes féministes. A chaque époque, son lot d'idéalistes par le brossage de poils.


Passons, passons parce qu'il y a plus édifiant encore plus loin:
Le féminisme n’est plus à la recherche de liberté sexuelle mais demande l’équité dans l’entreprise et la politique.


Nous faisons des propositions sur des thèmes essentiels, comme la féminisation de la haute fonction publique.
La condition des femmes ne se résume plus qu'à l'égalité professionnelle et politique avec une urgence: "la féminisation de la haute fonction publique" !!!(c'est là que la ligne éditoriale dont je parlais plus haut prend tout son sens). Les 80% de travailleurs pauvres qui s'avèrent être des femmes, cumulant des CDD merdiques pour des retraites indécentes, les violences sexuelles intimement liées à la problématique de la liberté sexuelle, les violences de genre, l'exploitation domestique, tous ces phénomènes qui s'imbriquent en une logique de domination bien huilée ne rentrent pas dans la perspective du féminisme bourgeois prôné comme un modèle par cette jeune femme.


Alors bien sûr, quand on voit le monde à travers son petit nombril d'épargnée, on peut se permettre des saillies dans ce genre:
Nous nous opposons à tous ces mouvements qui posent la femme en éternelle victime, et dont les discours sont dépassés.
Même si accesoirement on reconnaît que tout n'est pas rose:
Même si certains comportements restent à dénoncer (violences faites aux femmes, machisme...).
Tais-toi la femme victime (double "ta gueule !" si t'es prolo), il y a des postes à pourvoir dans la haute fonction publique ! Le discours féministe est dépassé même si le machisme tue tous les jours (des femmes*). Et surtout il y a des hommes, bichettes, qui commencent à prendre de plus en plus mal les "sous-entendus" féministes. Des hommes qui exploitent, excluent ou tuent des femmes c'est pourtant une situation assez claire au niveau des responsabilités, me semble-t-il.


Je ne commenterai pas le dernier paragraphe de notre donneuse de leçons en féminisme (elle me fatigue trop et puis là c'est du délire, à presque une énormité par mot, je capitule):
Nous demandons aussi la création d’un ministère de la Femme dont le ministre serait un homme politique d'envergure nationale, ayant déjà occupé de nombreuses fonctions (Bernard Tapie, Alain Juppé, Laurent Fabius ...).


* ajout des féministes de La Barbe au slogan initial de Benoîte Groult.