vendredi 7 janvier 2011

Dans la série arnaques et tromperies

Composante incontournable de la vraie nâââture féminine, au même titre que la grâce (mais ça, c'est parce que ceux qui l'affirment ne me connaissent pas), l'intuition a de presque tous temps été attribuée exclusivement aux femmes.

Mais attention, nous nous y trompons pas, cette qualité ne leur est octroyée avec magnanimité uniquement parce ce qu'elle n'en est pas vraiment une ... enfin pas une noble, dans l'acception virile du terme.

En effet, elle relèverait de l'irrationnel, de l'irraisonné, de l'instinctuel. Selon le Petit Robert, il s'agit d'une forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement. Rien à voir, non vraiment, avec les froides capacités mentales qui font la grandeur de l'homme qui, lui, est cartésien. Parce qu'une femme, ça ne raisonne pas, ça sent, au mieux ça pressent. Elle a beaucoup d'intuition en affaires, nous donne-t-on en exemple dans le même dictionnaire, je ne l'invente pas !

Pourtant, à bien y regarder, l'intuition est bien le résultat d'une somme de facultés rationnelles, pas de magie là-dessous: 

- observer son environnement et son entourage
- analyser les émotions et comportements dudit entourage
- procéder à des recoupements
- anticiper
- mais aussi s'appuyer sur des expériences antérieures
- émettre enfin ou supputer des conclusions

Pour le coup, vous m'accorderez qu'on est bien plus en face d'une activité complexe que d'un don tombé subitement du ciel au moment précis où on en avait besoin.

Ce sujet très sérieux m'a été inspiré par une scène de Zorro (oui, je sais, fut un temps révolu, j'avais d'autres références culturelles) dans laquelle la copine du Zorro en question tente d'enrayer le duel auquel celui-ci s'apprête à se livrer.
Tu vas perdre, la met-elle en garde.
Comment le sais-tu, s'enquiert-il.
L'intuition féminine, lui réponda-t-elle

Trop magicienne la copine de Zorro: il se fait pathétiquement rayer le minois par son adversaire ...

Dons de voyance, magie noire, lecture divinatoire dans du céleri rémoulade ? Que nenni, elle a juste procédé à quelques observations relevant du bon sens:

- portant habituellement à droite, ce jour-là il l'avait à gauche
- bouille défraîchie des mauvais jours
- pression atmosphérique de plus de 1015 hectopascals, seuil au-dessus duquel il est un peu tout chose, le Zorro
- surtout, il n'avait pas eu le temps de prendre son bol de Chocapic

Cette implacable démonstration prouve bien que la copine de Zorro n'a donc rien d'une voyante habitée de visions divines. s'appuyant sur des faits tangibles et mesurables, elle s'est juste excusée, en invoquant l'intuition féminine pour ne froisser aucun des égos virils en présence, d'être tout simplement perspicace.

En langage féministo-sociologique, on appelle ça la Parade des Dominées: les qualités acquises, à la fois en raison de l'hostilité du milieu dans lequel elles évoluent et de l'altruisme ou empathie qu'elles ont reçues en guise d'éducation, doivent être obligatoirement minimisées aux yeux des dominants, confortés, eux, dès leur plus jeune âge dans l'individualisme compétitif et, reconnaissons-le, assez myope. Quitte à faire passer ces compétences pour des lubies, des inspirations subites liées aux cycles lunaires ... des trucs de filles en gros. 

C'est pourquoi, dans une perspective de fidélité à la réalité du processus ci-dessus disséqué et d'annonce de ma première résolution pour l'année à venir, je militerai désormais, entre autres, pour que celui-ci soit appelé perspicacité féminine.

12 commentaires:

  1. Ah bon ? C'est au Chocapic qu'il carbure Zorro le héros ? Je pensais que c'était au Kinder bueno pour son dix-heures et son quatre-heures !
    ;D
    Pour redevenir sérieuse, effectivement, La Compétence, c'est eux ; les autres, tous les autres, sont irrationnels, bêtes (les animaux au sens littéral) et conduits par leurs passions et leurs humeurs. Pas par leur tête. Toutefois on peut aussi s'interroger sur l'inadaptation du raisonneur à la froide raison, qui ne se sert jamais de son émotivité ni de son empathie pour appréhender le monde ! Personnellement, je le trouve dangereux.

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  2. Alexandre Dumas écrit cela dans "Les quarante-cinq" : La femme qui es presque toujours plus perspicace que l'homme..." !
    Mais il fut également une époque antérieure au XVIe siècle où on recherchait "l'intuition" des femmes que l'on qualifiait de "don de prophétie". Charles VII faisait beaucoup appel à des "prophétesses" (Guillemette de La Rochelle, Pierronne la Bretonne, Jeanne-Marie de Maillé,par ex.) pour qu'elles le conseillent contre l'ennemi. C'est d'ailleurs comme cela que Jeanne d'Arc est arrivée jusqu'à lui. Ce n'est qu'avec la Réforme qui amena la contre-Réforme et l'inquisition que l'on a cessé de considérer ce don comme supérieur et d'y voir le diable.
    De l'Antiquité avec la Sibylle de Delphes, Cassandre et autres prophétesses jusqu'au moyen-âge avec les grandes mystiques (Christine de Pisan raconte que Guillemette de la Rochelle qui menait une vie solitaire et contemplative, y avait acquis une si grande vertu, que, dans ses ravissements, elle se soulevait de terre de plus de deux pieds (comme les lévites tibétains !), l'intuition féminine était quasi sacrée. Les femmes la cultivaient et en vivaient. Maintenant la foi en la technoscience a plus que jamais enterré les valeurs féminines.

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  3. @ Hypathie

    Tu confonds avec Superman qui, outre le Kinder Bueno, est un adepte de la fraise Tagada !

    "Toutefois on peut aussi s'interroger sur l'inadaptation du raisonneur à la froide raison, qui ne se sert jamais de son émotivité ni de son empathie pour appréhender le monde !"

    C'est exactement comme ça qu'on élève les garçons, c'est-à-dire coupés à la fois de leurs propres émotions et de celles des autres. Dans les formes graves, on appelle cela l'autisme. D'aileurs, est-ce étonnant que ceux qui en souffrent (des personnes de sexe masculin essentiellement) soient surdoués dans les disciplines froides et fermées ?

    Ca me fait penser à un document que j'avais trouvé et qui m'a beaucoup questionnée sur la dimension éducationnelle de cette pathologie:

    http://terrain.revues.org/index1703.html

    Inversement, la forme extrême du cerveau féminin serait une empathie hors-normes et une hermétisme total aux sciences dures et fermées.

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  4. @ Euterpe

    Comme toujours, des références à rendre Maître Capello tout honteux ! Merci !

    En fait, par rapport à la perspicacité féminine deux choses me gênent. En premier lieu, sa mystification qui en fait non pas une aptitude mais un don exogène. Ce que tu rapportes de la façon dont elle était considérée de l'Antiquité au Moyen-Age montre bien que les femmes ne possédaient pas de talent particulier mais étaient possédées par ce talent (toujours la même histoire de passivité et de non-sujet). En second lieu, comme tu le fais remarquer très justement, la société actuelle (et ce depuis le scientisme-dictature ... XVII ou XVIIIème siècle ?) dévalorise les qualités nécessaires à cette perspicacité: l'empathie, l'observation des autres, le contact avec ses propres émotions (qu'on appelle avec mépris l'émotivité), etc ... Et, comme le dit Hypathie, c'est dangereux. Je rajouterais que c'est dangereux pour la société.

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  5. Je pensais plus à la sociopathie qu'à l'autisme (dont les garçons souffrent à proportion de 4 pour une) ; l'autisme est un handicap où le cerveau fait que le sujet atteint vit dans un monde angoissant car ses perceptions sont déformées ; ils sont surtout dangereux pour eux-mêmes. Le sociopathe est un monstre froid qui n'éprouve pas d'empathie, est déconnecté de toute émotion ou a besoin d'émotions extrêmement fortes pour se sentir vivre ; le modèle extrême est le tueur en série ; mais je pense qu'ils ne font pas tous tueurs en série et qu'il y en a pas mal ; ils doivent se choisir des métiers ou des passe-temps qui permettent la violence autorisée : chasse, abattoirs (pas forcément la piétaille qui n'a pas le choix, mais les cadres...), etc... Ils sont asociaux et organisés (par opposition au psychopathe désorganisé) et dangereux. Sans doute que dans leur enfance, ils ont été brutalisés et maltraités et que survivre passait par l'extinction de toute émotion et de toute empathie, ne surtout pas se projeter dans l'autre ni s'apitoyer sur son propre sort. Ca rappelle la façon dont les garçons sont élevés dans certaines sociétés masculines et virilistes (armée, clubs masculins, fraternités...).

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  6. @ Anonyme

    J'ai publié votre message mais je trouve votre démarche un peu restrictive. Ne pas manger de cheval, ok (d'ailleurs, on en mange encore ?), mais pourquoi ne pas étendre vos revendications à l'ensemble des animaux ? J'espère que ce n'est pas en raison du caractère noble attribué arbitrairement au cheval ...

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  7. @ Hypathie

    Après de rapides recherches, la sociopathie toucherait environ 5 hommes pour 1 femme. Comme pour l'autisme qui présente le même ratio, la piste génétique est évoquée. Pour moi, ces deux pathologies prennent racine dans l'éducation et les projections sexuées. Et même si l'on retenait la piste génétique, on pourrait encore invoquer, je pense, les mutations qui s'installent sur des générations dans le code génétique à la faveur d'un environnement culturel prégnant et inscrit dans la durée.

    Dans les deux cas, on trouve une absence d'empathie et c'est bien ce qui pêche dans l'éducation donnée aux garçons. Etrange quand même de retrouver ces derniers parmi le groupe le plus atteint par ces deux pathologies.

    Comme pour la dépression chez les femmes, la variable sociologique est une piste à creuser.

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  8. "Et même si l'on retenait la piste génétique, on pourrait encore invoquer, je pense, les mutations qui s'installent sur des générations dans le code génétique à la faveur d'un environnement culturel prégnant et inscrit dans la durée."
    Ah, je suis contente de lire cela : effectivement, il faut en finir avec ce mode binaire drastique génétique vs culturel : il y a sans doute des échanges entre les deux sur le très long terme, même s'il faut être prudente !

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  9. les deux sociopathes que j'ai connu l'étaient tous devenu à cause d'évènements de leur enfance, je ne crois vraiment pas à la piste génétique

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  10. @ Hypathie

    Le déterminisme, qu'il soit génétique, hormonal ou physiologique, est une notion avec laquelle j'ai du mal car elle contient le germe d'un échec à voir les choses changer. Alors, sans faire du tout-culturel, je pense que la société gagnerait à regarder en face les dérives, pathologies et souffrances qu'elle produit elle-même.

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  11. @ Anonyme

    Le problème c'est que le parcours personnel n'explique pas l'écart de représentation de cette psychopathologie chez les deux sexes. Quand on sait que les petites filles sont largement plus exposées à la violence que les petits garçons, on a du mal à comprendre pourquoi les hommes constitueraient 80% des sociopathes si la cause était était uniquement environnementale.

    Tout expliquer par l'environnement et l'histoire personnelle c'est un dogme de psys qui présente l'inconvénient majeur d'occulter la piste sociale et politique qui pourrait apporter des solutions durables. Nos mondes sont plein de psys et la souffrance, la violence n'ont jamais été aussi prégnantes. On pourrait se questionner, non ?

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  12. je ne pense pas que la violence soit la première cause de psychopathologie mais plutôt un complexe d'oedipe non résolu

    or, jusqu'à récemment, les pères étaient exclus de l'éducation de leurs enfants ou professaient une éducation plus dure que les mamans

    je ne me questionne pas, c'est l'oeuf ou la poule, mais si il n'y a jamais eu autant de psys, c'est probablement parce qu'il n'y a jamais eu autant de problèmes et pas l'inverse

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