samedi 19 mars 2011

La fabrique de(s) filles

Deux ouvrages ont été publiés récemment sur le même thème et sous le même titre quasiment.

La fabrique des filles de Rebecca Rogers et Françoise Thébaud:


La fabrique de filles de Laure Mistral:




J'ai emprunté le premier à la bibliothèque, il est ce qu'on appelle un "beau livre" et retrace par l'intermédiaire de documents d'époque très émouvants, cahiers d'écolières, manuels scolaires, photos ou cartes postales, l'éducation stéréotypée que l'on réservait aux filles. On y apprend, entre autres, que l'école de Jules Ferry avait surtout pour but d'instruire les futures mères/épouses et de sortir les femmes du joug clérical.

L'instruction pour mieux servir les intérêts masculins qu'ils soient personnels ou politiques ... Une démarche profondément antiféministe qui s'est retournée contre ses initiateurs puisque les femmes ont pris goût aux études et ont bien senti qu'il y avait là matière à émancipation.

Le livre s'achève sur la période des années 70. Les femmes ont fait du chemin et s'instruisent désormais pour avoir un métier. Le sujet femme est né. Mais il serait simpliste de croire, comme les auteures le laissent penser, que la société a dès lors renoncé à fabriquer des épouses acceptables et des mamans parfaites. Collégienne dans les années 80, je me souviens des cours d'EMT (Education Manuelle et Technique) où l'on m'a appris à coudre, cuisiner et même faire la vaisselle !

Et l'ouvrage de Laure Mistral, comme une prise de relais tacite, est là pour nous rappeler que la fabrique n'a jamais cessé de fonctionner. Partant des fameuses années 70 où la voie a paru toute (bien) tracée pour les femmes, elle dresse un constat documenté sur les nouveaux moyens d'enfermer les petites filles, les futures femmes, dans l'assujettissement. Amnesty International recommande ce livre comme une démarche de déconstruction des stéréotypes, démarche nécessaire à la lutte contre les violences faites aux femmes. En outre, d'un prix abordable, il peut se lire dès 12 ans ... à offrir, à s'offrir ou les deux.

10 commentaires:

  1. Apprendre à coudre et à cuisiner, je trouve ça plutôt cool. Tant qu'on l'apprend à tout le monde... ça permet d'être indépendant de la société de consommation, un peu. Maintenant, on l'apprend plus, on s'achète des repas tout fait, et nos fringues, quand ils ont un trou, on les jète...

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  2. @ Zout alors !

    Ah! mais tout à fait. Et je trouve dommage que ces activités soient dénigrées car estampillées "trucs de filles". Mais j'ai l'impression que l'on ne m'a pas appris à coudre ou faire la vaisselle pour faire de moi une écolo digne de ce nom ...

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  3. J'ai des souvenirs épouvantables de mes cours de couture "spéciaux filles" ! On nous y apprenait le point de croix pour faire des abécédaires ; ce n'est pas ce que j'appelle apprendre à coudre. Du coup, je ne sais rien faire en matière de couture, même pas un ourlet de bas de pantalon ni de jean ! Pour lire un "patron" couture, il faut que je fasse les pieds au mur, du coup, j'ai renoncé. J'achète tout. Mes neveux, (des gars parfaitement !) ont appris eux aussi le point de croix à l'école : couture pour garçons et filles, car classes mixtes. Aussi, même résultat, je ne suis pas du tout sûre qu'aujourd'hui ils arrivent à faire un ourlet ou même recoudre un bouton.
    Merci en tous cas pour les idées de lecture : je vais fouiller dans mes bibliothèques favorites et voir si je les trouve.

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  4. j'aime bien la ligne jaune toute tracée avec la jupe jaune. Bonne idée de couv'.
    Joug clérical peut-être mais dans les couvents, paradoxalement, les femmes s'adonnaient à leurs passions plus librement que dans le monde régulier. J'en ai pour preuve le nombre d'enlumineuses, de poètes et de compositrices, entre autres, à travers les siècles qui furent nonnes ! Voilà encore un lieu de liberté (liberté-paradoxale, on devrait l'appeler) qui devait être une épine dans l'oeil du machisme.

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  5. Je viens de me rendre compte que "Épine dans l'oeil" n'est pas une expression francaise mais allemande. Néanmoins je pense qu'on m'aura comprise !

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  6. J'ai oublié : j'ai aussi appris dans mon école de filles à faire des boutonnières ; inutile de te dire que c'est une connaissance qui me sert tous les jours ! :D
    Et je précise tant que j'y suis, que je n'achète pas mes repas tout faits, je les fais moi-même : je suis sûre qu'il n'y a pas de lardons dedans, c'est moins cher et moins salé !

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  7. Je ne garde pas un mauvais souvenir de ces cours, couture, cuisine pour les filles. Cartonnage, c'était mixte. Les garçons faisaient menuiserie. Ce qu'on cuisinait on se le mangeait. On nous avait meme appris à nous servir d'une machine à coudre électrique et ça m'a bien rendu service par la suite. Je me souvient avoir fait une poupée de collection en costume régional, c'était petit et la galère de broder le tablier. Par contre la dernière année, on s'était toute fait une chemise de nuit et une jupe-portefeuille, un défilé en fin d'année entre nous et on s'était bien marrées.

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  8. @ Hypathie

    Je trouve utile tous ces savoir-faire (bon, à part les cours de vaisselle où l'on nous apprenait à laisser tremper les plats trop incrustés (merci pour l'info) et les boutonnières aussi apparemment !) mais il faudrait les "mixiser" et veiller à ce que plus tard il ne servent pas l'exploitation domestique des femmes. L'éducation doit se faire à tous les niveaux et notamment par la mise en perspective de la propagande pro-bonniches des médias.

    @ Euterpe

    Quand je parlais du joug clérical, je faisais référence à l'emprise contestée par les républicains du clergé sur les femmes. Il leur était tout simplement inconcevable que les femmes, propriété masculine responsable de l'éducation des fils, soient aux mains des curés. Pas de vision émancipatrice des femmes là-dedans mais une volonté de reprendre ce qui leur appartenait. Et peut-être, comme tu le soulèves, le fait que les femmes puissent s'adonner à des activités pour elles-mêmes dans les couvents a certainement irrité ces messieurs. Ceci dit curés et laïcs s'affrontant au sujet des femmes, c'est encore deux patriarcats qui s'affrontent sans se soucier des intérêts des premières concernées.

    PS: Ici, on dit "épine dans le pied" mais "épine dans l'oeil" je trouve ça plus imagé. Ca me plaît !

    @ Floréale

    Moi aussi, j'ai eu des cours de couture à la machine qui m'ont beaucoup servie, notamment à reprendre les pantalons trop grands que j'achetais avant que les petites tailles pour adulte ne se démocratisent. C'était ça ou les modèles enfant avec taille élastiquée ;)
    C'est vrai que je ne regrette pas ces apprentissages mais je ne peux m'empêcher de penser qu'ils avaient une fonction de dressage. D'ailleurs, tu le dis, filles et garçons recevaient des enseignements différents ... afin de reproduire correctement les rôles sexués.

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  9. arrêtez! Vous racontez avoir pris du plaisir dans des activités genrées! c'est servir nos ennemis! Seul un garçon peut déclarer prendre du plaisir a cuisiner ou coudre une fille ne doit que s'amuser à réparer la plomberie ou à réaliser des meubles c'est à ce prix que nous libérerons l'humanité de ses chaînes genrées... mort au genre, mort aux specisme

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  10. @ Anonyme

    Je ne vois pas en quoi prétendre que cuisiner ou coudre peuvent apporter un certain plaisir servirait le patriarcat. Ce sont des activités aussi neutres en soi que le bricolage. C'est ce qu'elles représentent qu'il nous faut combattre.

    Donc, oui ! mort au genre !

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