Pierre Tévanian, du collectif Les mots sont importants ,emploie dans une lettre adressée à Alain Soral, le mot virilisme pour décrire l'attitude qui consiste à se comporter comme un vrai homme et non pas comme une fiotte, tapette ou gonzesse. Or, ce terme est habituellement utilisé en médecine pour parler des caractères masculins que peut présenter une femme (timbre de voix, pilosité, etc.).
Pour ne pas reprendre ce mot dont la signification ne colle pas vraiment au concept je-ne-suis-pas-une-gonzesse-Moi et à défaut d'avoir sous la main un néologisme adapté, j'utiliserai ici le mot virilité.
En revanche, j'adhère tout à fait à l'analyse qu'il fait de ce comportement et je me propose volontiers pour la diffuser et l'étayer de commentaires personnels.
Tout d'abord, l'idée communément admise que virilité et courage vont comme une évidence de pair. Toute une construction historique, sur laquelle je ne reviendrai pas par souci de concision, pour faire coïncider trois choses à la base étrangères: le courage, vertu morale définie comme la capacité d'endurer ou affronter la souffrance, la difficulté ou le danger, la position dominante dans une société où les rapports de genre et de sexe sont hiérarchisés et la possession de pénis et de testicules qui sont tout bêtement des organes génitaux dans lesquels aucun.e scientifique n'a jamais trouvé ni l'hormone, ni la glande, ni le gêne du courage.
Toute une construction historique un peu tordue, reconnaissons-le, pour que certains puissent lancer à la cantonnade un "Moi, j'ai des couilles!" qui est "un énoncé aussi vide d'intérêt dans son sens littéral" (oui, t'a des couilles, c'est bien ...) "que chargé de sens, de valeur et d'affect dans ses usages sociaux" (je veux bien le croire vu le nombre de fois où la formule est prononcée par certains de mes congénères mâles).
Seulement, cette association pénis/masculin/courage n'est pas qu'une imposture elle repose sur une véritable subversion de la notion de courage "qui ne désigne plus la capacité à affronter le danger ou la difficulté, mais exactement le contraire: la capacité pour le dominant (c'est-à-dire celui pour qui tout est facile) d'assumer son privilège et/ou d'écraser plus faible (j'aurais dit plus affaiblie) que soi (c'est-à-dire d'exercer la violence sans courir aucun risque) et de le faire sans problème de conscience." Ce qui en gros s'appelle de la lâcheté, non ?
Le plus terrible, et certains vont s'en étrangler de rage, c'est que non seulement le gêne du courage n'existe pas, pas plus plus chez les hommes que chez les homosexuel.le.s ou les femmes mais que cette vertu se développe chez les personnes confrontées à l'adversité. Selon cette vieille loi sociale formulée par Hegel, "le dominé, dans l'adversité, est nécessairement amené à acquérir des qualités physiques, intellectuelles et morales que ne cultive pas le dominant - parce qu'il peut s'en dispenser."
Ainsi, "la domination systémique, l'infériorisation et la stigmatisation que subissent depuis l'enfance les filles et les homosexuel-le-s, et le surcroît de difficultés, d'obstacles ou de périls que l'ordre hétérosexiste dresse sur leur chemin tout au long de leur existence, pèsent d'un poids tel qu'il faut aux femmes et aux homosexuel-le-s, pour simplement subsiter, tenir debout, s'affirmer et s'épanouir, déployer plus de science, de calcul et de courage qu'il n'en faut à n'importe quel monarque pour gouverner toutes les Espagnes.
C'est cela le courage: endurer ou combattre (parfois les deux) l'oppression au quotidien et continuer sa route" injustement et abusivement désarmé.e.s mais riches de la volonté d'en finir avec ce qui nous blesse.
Merci pour cette analyse censée de ce qu'est le courage, le vrai.
RépondreSupprimer@ Alice
RépondreSupprimerOui, ça fait du bien ce genre de vision qui n'est hélas pas partagée par le plus grand nombre. Ce collectif a sorti un livre éponyme (les mots sont importants), tout y est intéressant.
J'aime beaucoup moi aussi.
RépondreSupprimerSi ça me parle!
je connais quelqu'un qui a essayé de me convaincre qu'il était téméraire, or, il n'est ni courageux ni téméraire et la témérité et le courage me semblent recouvrir des notions différentes.
Vos blogs m'aident à tenir. merci.
val qui bulle
Virilité et courage ne vont sûrement pas de pair puisqu'à chaque fois que je suis insultée dans la rue juste parce que je passe, ils sont au minimum deux pour se donner du "courage". Quand ils sont 4 ou 5, ça leur paraît encore plus facile ; seuls, ils rasent les murs.
RépondreSupprimer@ Val qui bulle
RépondreSupprimerOh! on en croise tous les jours des grands courageux !!!
Merci pour votre soutien. Si nos blogs permettent à des femmes de se sentir mieux, alors c'est mission quasiment accomplie ;)
@ Hypathie
RépondreSupprimerC'est vrai que seuls ils font moins les malins alors que leur position le leur permettrait.
Pour moi, il n'y a rien de plus pathétique au monde que la virilité, cette espèce de supériorité assise sur du vide.