samedi 8 octobre 2011

Le goût de la tomate

Me voici de retour parmi vous cher.e.s comparsEs ! J'ai essayé de revenir en douceur en lisant ce que vous aviez écrit, relevé et dénoncé ... le climat est bien tendu. Les médias et leur sexisme affiché sans complexes ont encore frappé: si France Inter prend modèle sur RMC en matière de complaisance à la misogynie la plus réactionnaire, nous avons pas mal de souci à nous faire. Beaucoup d'entre vous ont agi voire réagi et ça c'est la seule chose qui me rassure. J'ai pour ma part et à titre personnel manifesté mon dégoût à ces deux radios.

Les occasions d'être écoeurée ne manquent pas lorsqu'on est féministe. J'ai longtemps hésité entre plusieurs thèmes de billet pour enfin me décider à publier sans copier-coller cet extrait littéraire:

 
Bientôt la porte allait s'ouvrir et se refermer, on pousserait le verrou, la discussion de Pacha et Lavrenti suivrait son cours, les studios de tatouage et les poules de l'Ouest et les tatouages multicolores. Bientôt une boucle de ceinture se déferait, une braguette se dézipperait, une lumière colorée, Pacha ferait du boucan derrière la porte, Lavrenti rigolerait de la bêtise de Pacha, qui se vexerait, dans la chambre de Zara le client gémirait et les fesses de Zara s'écarteraient et on lui ordonnerait de les écarter encore et encore et encore et on lui ordonnerait d'introduire son doigt? Deux doigts, trois doigts, trois doigts de chaque main, encore plus ouvert ! Encore plus grand ! On lui ordonnerait de dire que Natacha doit se faire mettre ! Dis que Natacha doit ouvrir grand sa chatte parce que c'est là qu'elle va se faire mettre ! Oh ce qu'elle va s'y faire mettre ! Dis-le ! Dis ! Et Zara dirait, Natascha will es.

  Personne ne demandait d'où elle venait, ou ce qu'elle ferait si elle n'était pas ici.
  Parfois quelqu'un demandait ce qu'aimait Natacha, ce qui faisait mouiller Natacha, comment Natacha voulait se faire baiser.
  Parfois quelqu'un demandait ce qui la faisait jouir.
  Et c'était encore pire, parce qu'elle n'avait pas de réponse à ça.
  Si on interrogeait Natacha, elle avait des réponses toutes prêtes.
  Si on l'interrogeait elle-même, il fallait un petit moment pour qu'elle ait le temps de se demander ce qu'elle répondrait si on posait une question sur Natacha.
  Et ce petit moment révélait au client qu'elle mentait.
  Alors commençaient les exigences.
  Mais cela arrivait rarement, presque jamais.
  En général, elle devait juste dire qu'on ne l'avait jamais aussi bien baisée. C'était important pour le client. Et la plupart le croyaient.
  Tout ce sperme, tous ces poils, tous ces poils dans la gorge et pourtant la tomate avait toujours un goût de tomate, le fromage de fromage, la tomate et le fromage ensemble de tomate et de fromage, même si dans la gorge elle avait toujours des poils. Ca voulait sans doute dire qu'elle était vivante.
      Purge - Sofi Oksanen -

En lien avec la prostitution, la condition de victime sous l'angle d'une analyse inédite dans un article paru sur Sisyphe. Merci à A dire d'elles à qui j'emprunte le lien.

9 commentaires:

  1. je suis allé lire le texte sur sisyphe : redoutable en effet
    content de lire ce que je dis souvent par bribe un peu partout.

    bon à par ça, ben votre retour avec ce texte trash tombe pile poil avec ce que je tente d'écrire en ce moment. et j'ai pas franchement de facilité à décrire des trucs comme ça.

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  2. A propos de Inter et RMC, on n'en aura jamais fini avec le sexisme : ils ont besoin de péjorer et diminuer les femmes pour continuer à tout régenter et garder leur pouvoir.

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  3. Ah oui j'avais déjà lu dans Emma, le magazine féministe allemand, que ce bouquin était hardcore. Là, cet extrait,c'est la preuve. Ca me donne envie de retrouver l'article.
    Je me souviens de la photo. C'est une jeune et jolie écrivaine estonienne, lituanienne ou lettone, je ne sais plus. Balte quoi.
    Vraiment étonnant ce qu'elle écrit. Virginie Despentes est complètement écrabouillée, là !
    M'étonnerais qu'elle plaide pour la légalisation de la prostitution, elle.

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  4. @ Paul

    C'est vrai que le propos est assez cru mais, contrairement à Despentes et toutes celles et ceux qui usent du trash gratuitement (provoc à deux balles), il sert à dénoncer. "Se faire baiser", "se faire mettre" ... ce sont les clients qui parlent, ceux qui ne peuvent voir les femmes et/ou les prostituées que comme des "personnes" qui se font baiser, se font mettre.

    @ Hypathie

    Certes mais France Inter a quand même des velleités progressistes ... RMC, on savait que c'était une radio de beaufs.

    @ Euterpe

    Oui, elle est Estonienne (et Finlandaise) et son livre a été encensé par la critique. Perso, je ne l'ai pas trouvé si génial que ça mais il présente l'intérêt de dénoncer les violences qui s'exercent sur les femmes sans pathos ni minorisation ... Ce qu'il en ressort, c'est le courage des femmes quoi que la société des hommes leur fasse subir.

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  5. oui effectivement il est clair que c'est de la dénonciation brutte. et ça me semble en effet très efficace pour montrer toute l'ignominie de la culture "vrile" des prostitueurs. ainsi que l'incroyable endurance des femmes subissant cette horreur.
    l'ennui
    c'est que
    les "viriles" se vautre dans la complaisance avec ce genre de description. ça leur parle. ça les amuse.
    je crains que cela ne touche vraiment que celles qui en sont déjà convaincues (de l'ignominie de la "chôse" et les autres qui sans être convaincus sont sensibles au mal, parce que là il est clair qu'on décrit le mal, la souffrance induite par des comportements. et j'ai peur que ces gens là soient peu nombreux. beaucoup de gens détournent le regard ou carrément, pense qu'il s'agit d'affabulations, que d'être mauvais c'est rare et que ce n'est pas le fondement d'un système culturel.

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  6. @ Paul

    " beaucoup de gens détournent le regard ou carrément, pense qu'il s'agit d'affabulations, que d'être mauvais c'est rare et que ce n'est pas le fondement d'un système culturel."

    Oui, l'idée que prostituer ou violer ou agresser tout court sont des comportements marginaux est courante.

    S'il en est que ce genre de texte amuse, tant pis pour eux, leur coeur est sec et c'est la pire chose qui puisse arriver dans une existence.

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  7. En effet, la violence exercée contre ces femmes n'est pas, comme souvent, occultée ou masquée, c'est à souligner.
    Cependant, j'ai regretté que les clients prostitueurs soient les hommes invisibles. Pourquoi l'autrice (je viens de lire ce féminin dans Télérama , c'est je pense la première fois qu'il le fait) a t'elle fait ce choix?

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  8. @ Lora

    Je pense qu'elle reprend la vision communément admise selon laquelle le client est anonyme car dans une certaine "normalité". Elle dénonce la violence du phénomène mais ça ne l'empêche pas d'être empêtrée dans la vision en vigueur selon laquelle le client est déresponsabilisé par son anonymité. Enfin, je le perçois comme ça.

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