vendredi 11 juin 2010
Les cacher, les oublier
" Oui, les vieillards sont malheureux, affreusement malheureux de toute haine que nous portons à la vieillesse.
Et ces vieillards qui nous font horreur, et qui par ailleurs ne sont plus bons à rien (entendre, bons à produire, à participer aux dynamiques projets de l'homme), on ne peut plus que les chasser, loin, très loin, le plus loin possible; les cacher, les oublier.
Les parquer tous ensemble, les exiler dans d'inaccessibles séjours. Ils ont tant besoin de nous, et nous, de leur absence.
[...] Et si les vieillards, revenus des valeurs trompeuses de leur maturité qui les ont perpétuellement distraits de l'essentiel, entrevoyaient soudain la jouissance nue, entière de vivre ?
[...] J'aime délicieusement les vieillards, revenus de la vanité et du désir, les vieillards offerts à la vie.
Ils ne demandent plus grand chose, les vieillards; ils demandent le meilleur.
Ils demandent le pain, le lit, le soleil et les arbres, et ils demandent d'être parmi les autres, les adultes et les adolescents, les femmes et les hommes, les enfants et les bébés; tous les autres. Ils ne demandent qu'à vivre, à vivre ensemble, à vivre avec. Ils ne demandent que la jouissance nue du vivre.
[...] Qui pense à dire qu'une société d'où les vieillards sont bannis n'est plus une société, une communauté vivante, mais une caserne, une usine, une prison, un enfer ?"
Annie Leclerc - Parole de femme (1974)
Edit: j'ai hésité à transformer "vieillards" en "vieillard.e.s", afin de d'éviter toute équivoque, mais modifier les propos d'un.e auteur.e ne se fait pas. Vous aurez compris que "vieillards" recoupe les vieillardes aussi.
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A la fin de sa vie (et du haut de sa "maison de retraite" (pas si reposante que ça en fait vue l'ambiance avec le personnel parfois ingrat, enfin bref)) mon grand-mère me disait souvent qu'il souffrait de se sentir inutile et "à charge". Pourtant, j'aurais préféré qu'il le soit bien plus tôt pour qu'il ait le temps de me raconter ses histoires de jeunesse...
RépondreSupprimer@ Chaminou
RépondreSupprimerTu as écrit "mon grand-mère", c'est voulu ou c'est des restes d'anesthésies !?
Je comprends tes regrets à propos de ton "grand-mère", il ne me reste déjà plus aucun.e aïeul.e.
Ce que j'ai remarqué avec les personnes âgées de mon entourage, c'est la facilité avec laquelle on peut les rendre heureux. Et les écouter est souvent un bonheur, cela permet aussi de relativiser ses petits soucis du quotidien.
Je vous invite à lire mon roman qui traite aussi entre autres de ce sujet là...mon blog me permet de le présenter en lien...
RépondreSupprimerB.
@ Vric à brac baroque (ou bric à brac baroque ? le b étant attenant au v sur le clavier )
RépondreSupprimerCe sera avec plaisir si vous me laissez un lien ;)
En parlant de littérature et vieillesse, je m'étais régalée avec "Rhésus" d'Héléna Marienské: un bijou d'humour grinçant qui porte un regard vraiment bienveillant et rafraîchissant sur cette étape de la vie généralement honnie.
Pour se requinquer on peut toujours aller se reposer chez les Babayagas ! http://www.lamaisondesbabayagas.fr/
RépondreSupprimerEnfin, se reposer en militant quand même...
@ Hypathie
RépondreSupprimerOui, je connaissais cette initiative. Ce serait bien qu'elle se multiplie (en Provence, par exemple pour mes vieux et beaux jours ;) ).
Oui, les restes de l'anesthésie (ou les coups de fil incessants de cette dernière ces temps-ci, va savoir)... désolée ! ;o) C'était loin d'être le type de couple qui en faisait qu'un pourtant !
RépondreSupprimerSinon effectivement nous devrions œuvrer à démocratiser des projets type Babayaga !