mardi 29 mars 2011

Loisirs des jeunes: l'hégémonie des garçons

Bon, ma pause n'aura finalement duré qu'une semaine: je suis une indécrottable féministe qui, telle un professeur Rollin, a toujours quelque chose à dire ! Et je ne résiste pas à la nécessité de vous faire partager cette étude trouvée sur le site du CNRS - Institut des Sciences Humaines et Sociales.

Interrogeant sous la variable du sexe, les pratiques de loisirs des enfants et adolescent.e.s et les croisant avec les politiques publiques territoriales en la matière, les chercheur.e.s, en charge de cette étude menée depuis 2009, en ont retiré plusieurs enseignements:

- "l’offre de loisirs subventionnée s’adresse en moyenne à deux fois plus de garçons que de filles, toutes activités confondues", ce qui en clair signifie que les politiques budgetaires des collectivités locales privilégient les aménagements destinés aux garçons. Les chercheur.e.s appellent ça à juste titre du "gender budgeting";

- on observe "trois fois plus de pratiques non mixtes masculines (foot, rugby, rock) que de pratiques non mixtes féminines (gym, danse)", le loisir restant, comme dans le modèle social multiséculaire que nous trimballons, à la fois une prérogative masculine et un terrain de différenciation sexuée de premier choix; 

- la donnée la plus significative est "le décrochage massif des filles à partir de l’entrée en sixième : elle désertent alors les centres d’animation, les maisons de quartiers, ne viennent plus aux séjours vacances organisés par les municipalités, disparaissent peu à peu des équipements et espaces publics des loisirs des jeunes". Les filles laissent tomber, probablement peu désireuses d'en découdre avec la sur-représentation masculine et ses corollaires sexistes et conscientes que la place qu'on leur attribue désormais est à l'intérieur;

- les élu.e.s interrogé.e.s dans le cadre de cette étude ont déclaré vouloir, à travers ce déploiement massif et unidirectionnel de moyens, "« canaliser la violence des jeunes dans des activités positives », sans préciser quel est le sexe des jeunes incriminés" ... la violence n'ayant jamais de sexe selon ses observateurs, un vrai tabou ... Sans compter que les filles sont ainsi punies de se tenir plutôt mieux que leurs frères;

- pourtant, soulève l'auteur de l'article "l’hypersocialisation des garçons dans les espaces publics par le sport et les cultures urbaines produit probablement l’effet inverse de celui escompté, valorisant les conduites viriles et leurs avatars, le sexisme et l’homophobie", l'effet de groupe étant un puissant vecteur de comportements agressifs et discriminants;

- ces conclusions soulèvent l'hypothèse déjà évoquée que "cette éducation différenciée des garçons et des filles à l’usage de l’espace public [préparerait] l’hégémonie masculine dans la ville et le sentiment d’insécurité pour les femmes qui en découle" confortant les garçons dès l'enfance dans l'idée que l'au-dehors leur appartient et confirmant aux filles qu'elles n'y ont pas leur place.

Un phénomène qui est loin d'être une fatalité et contre lequel s'est engagée Hollaback France, dont l'initiative bienvenue a récemment été présentée dans la blogosphéministe.

11 commentaires:

  1. Heureuse de te retrouver !
    Je commente peu tes billets mais je les lis toujours avec intérêt. Je regretterais de te voir t'arrêter trop longtemps... même si tu as le droit d'avoir envie de faire une pause ! :-)

    Ton billet me rappelle une conversation que j'ai eue avec un collègue, père de trois filles. Il me soutenait que les filles étaient naturellement plus sages et moins portées sur le divertissement, malgré tous mes arguments. Il était trop dur pour lui de s'avouer qu'il avait conditionné ses filles. J'ai tenté de le déculpabiliser, mais seule l'intervention d'un collègue homme, forcément plus crédible, venu me soutenir, l'a plus ou moins convaincu. Disons que c'est le résultat qui compte, hein !

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  2. Je vais envoyer ce billet à ma mairie : je suis considérée comme hystérique dans mon quartier parce que je renvoie impitoyablement les gars qui squattent avec leurs ballons les allées et le square en bas de chez moi parce que cela empêche les filles, les vieilles, sans oublier les chiens et moi de passer ; je ne parle même pas des ménagères qui doivent raser les murs avec leurs paniers à provisions ! Je dois rappeler que les terrains de foot envahissent et enlaidissent le paysage détruisant la biodiversité, MAIS que malgré cela on doit supporter les jeux de ballons et le boucan des garçons envahissant l'espace public ! Même leurs mèèèères ne comprennent pas, qui veulent les avoir sous les yeux en bas de chez elles. Je crois aussi que ces "équipements" chargés de calmer ces énervés, en réalité loupent leur but.
    PS Réflexion faite, je vais aussi l'envoyer à mon propriétaire.
    :)))

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  3. Je connais une petite fille de trois ans qui croit que le superlatif de fille c'est garcon. Quand elle réussit une performance physique, elle dit : regarde ! je suis un garcon !
    (persuadée d'avoir atteint un stade supérieur).

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  4. bonjour,

    @Euterpe: j'avoue que je me suis longtemps, très longtemps, comportée comme cette petite fille.

    sinon cet article est très inquiétant. ils vont nous dire qu'ils s'ajustent à la demande et que c'est quand même pas de leur faute si les filles sont moins demandeuses. mais bien sûr...

    à l'AG de mon club (de foot) qui comporte une équipe féminine de haut niveau, l'adjoint au maire a eu du mal à justifier le fait que l'équipe masculine locale aie de meilleures infrastructures malgré un niveau moindre à l'échelle nationale.
    à bout d'argument, il a lancé le fameux argument des femmes trop occupées pour faire du sport (j'ai fait un billet sur le sujet: http://entrees-en-lice.over-blog.com/article-poncif-et-prejuges-5-les-femmes-n-ont-pas-le-temps-de-faire-du-sport-64862056.html)

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  5. @ Kalista

    J'ai une copine qui agit comme cet homme dont tu parles. Elle a conditionné son fils et sa fille selon les normes en vigueur et me soutient que la différence de comportement et de goûts qu'ils affichent vient de leurs gènes ... Sa fille, comme toutes les petites filles selon elle, a le gène du rose (texto!) même si elle devait lui recoller de force les barrettes, chouchous et fanfreluches que la petite s'arrachait dès que possible.

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  6. @ Hypathie

    Oui, les stades de foot enlaidissent les paysages sans compter que ce sont de gros consommateurs d'eau et d'énergie. Ils sont arrosés été comme hiver et allumés nuit et jour. Tout ça pour même pas 5% de la population ! Ici, village de 2000 habitant.e.s, il y a un stade de foot et un complexe multisport en faux goudron. Mais même pour 500 habitant.e.s, on aménage un terrain de foot. Quel gaspillage d'argent public ...

    @ Euterpe

    Ben, à trois ans elle a déjà intégré que fille < garçon. Merci la propagande sexiste ...

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  7. @ Gabrielle

    J'ai pensé à toi justement en lisant l'article du CNRS.

    Je trouve ça inquiétant aussi parce que la politique budgétaire honteusement inégalitaire est carrément assumée. Personne ne semble voir où est le problème.

    Je n'en ai pas parlé mais il en va de même pour les actions socio-culturelles des politiques de villes qui s'adressent clairement et sans complexe aux garçons qu'il faut à tout prix occuper pour canaliser leur violence. Du coup, ils enregistrent des CD, montent des films, etc. et les filles n'ont qu'à aller se faire voir ailleurs.

    On le voit bien avec l'exemple que tu donnes: moins de moyens pour les filles malgré un niveau de classification supérieur.

    "Les hommes peuvent, eux, partir à 20h pour faire un tennis! Mais vous...mesdames... vous avez une autre vie..."

    Oui, une vie d'exploitées à cause de types comme lui ...

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  8. Merci Héloïse pour ce billet très intéressant.
    Et heureuse de te lire de nouveau !

    ça ne progresse vraiment pas beaucoup. Gamine j'ai été obligée par l'école, de faire de la danse alors que je n'avais qu'une seule envie : taper dans un ballon, et j'étais très douée en plus. Bref, je suis restée le nez coller contre la vitre à regarder les garçons jouer au foot dehors, pendant que les comme moi, les "filles", avaient cour de danse obligatoire.

    j'en suis encore en colère.

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  9. @ Gloup

    Et peut-être que parmi tous ces garçons, il y en avait qui rêvaient secrètement de faire de la danse avec vous ... Comme quoi cette différenciation basée sur le sexe est non seulement un non-sens mais une démarche liberticide qui crée frustrations et renoncements.

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  10. salops de mecs encore un coup fourré pour pourrir la vie des femmes rien ne les arrête... mais que faire: faire jouer des filles au rugby mais c'est un sport machiste prônant la violence d'ailleurs en équipe mixte elles se feraient peut être agresser par ces ptits oppresseurs mais les enfermer en équipe féminine ça serait de la discrimination... la danse c'est trop connoté comme une pratique simulant la sexualité source d'oppression... reste les activités non genrées : collectionner les timbres ou le curling... voilà de beaux loisirs dignes!

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  11. @ Anonyme

    Votre propos est tellement ... hors-propos que je me demande si vous avez lu le billet qui évoque le "gender budgeting" et non pas ce que nous allons faire de ces pauvres filles dont on ne sait justement que faire. De plus, rugby ou danse ne sont porteuses de sexisme (et génératrices de violence/d'hypersexualisation) que parce que la société les souhaite telles. Un peu d'éducation, un autre regard pourraient faire des miracles ... si certaiN.e.s ne s'arc-boutaient pas sur le clivage de genre.

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