mardi 16 novembre 2010

Violences faites aux femmes: le blog d'une docteure en traumatologie

J'ai découvert récemment le blog de Muriel Salmona, psychiatre-psychothérapeute en psychotraumatologie qui travaille sur LES violenceS faites aux femmes. Voilà l'une des rares praticiennes qui met son savoir au service de ce fléau et qui replace ce dernier dans le contexte de domination masculine: de l'exploitation domestique à la prostitution en passant par le sexisme ordinaire. Un billet a particulièrement retenu mon attention: fouillé, documenté, novateur par son approche pluri-dimensionnelle. Si le sujet vous intéresse, je vous invite chaleureusement à le consulter. Elle y expose les différents types de violences genrées, les causes (sans négliger la version sociologique), les mécanismes liés la violence autant chez l'agresseur que chez l'agressée ainsi que les pathologies et troubles associé.e.s aux traumatismes engendrés par ces violences.

Voici quelques extraits piochés dans l'introduction de l'article en question:


"Aucune femme, aucune fille dans le monde n'est à l'abri de subir des violences en raison de son sexe. A tout moment de leur vie, dans leur petite enfance, leur enfance, leur adolescence, à l'âge adulte ou pendant leur vieillesse, les femmes peuvent subir de mauvais traitements physiques ou moraux et des violences sexuelles. L'auteur des violences est majoritairement un homme, une personne connue de la victime, le plus souvent un proche. Aucun espace de vie des femmes et des filles n'est protégé. Et les espaces habituellement considérés comme les plus protecteurs - la famille, le couple - où amour, soins et sécurité devraient normalement régner, sont ceux où se produisent le plus de violences. Et ces violences les plus fréquentes sont aussi celles qui seront à l'origine des plus graves traumatismes psychiques et neurologiques. Toutes les violences entraînent chez les victimes des atteintes graves à leur intégrité physique et psychique. Cependant les violences familiale, les violences conjugales et les violences sexuelles font partie des violences les plus traumatisantes sur le psychisme. De 58 à 80 % des femmes victimes de ces violences développeront des troubles psychotraumatiques chroniques

Ces troubles psychotraumatiques peuvent durer des années, des dizaines d'années, voire toute une vie et ont un impact considérable sur la santé des victimes, la santé de leurs enfants, leur insertion sociale et professionnelle et leur qualité de vie. Ils représentent également un coût financier important pour les États.


Pourtant, en 2010, malgré leur fréquence et leur gravité, ces violences faites aux femmes font toujours l'objet d'une méconnaissance et d'une sous-estimation, au pire d'un déni ou d'une tolérance coupable. Elles font l'objet d'une véritable loi du silence. Cette loi du silence protège les agresseurs en leur assurant l'impunité, et elle protège également le mythe d’une société patriarcale idéale où les plus forts (les hommes et tout ceux qui détiennent une autorité) protégeraient ceux désignés comme étant les plus faibles ou les plus vulnérables (les femmes et les enfants). Surtout, cette loi du silence abandonne les victimes à leur sort, toutes les victimes.


Les violences faites aux femmes et aux filles englobent la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, au sein des relations intimes avec des partenaires, au sein de la collectivité, du travail et dans les espaces publics. Cet ensemble comporte aussi les mariages précoces, les mariages forcés, les violences liées à la dot, les crimes d'honneur, les mutilations sexuelles féminines et les autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme. Il faut y ajouter la violence liée à l'exploitation, le harcèlement sexuel et l'intimidation au travail, dans les établissements d'enseignement et ailleurs. En font également partie le proxénétisme, la prostitution et la violence perpétrée ou tolérée par l'Etat, et les crimes commis contre les femmes durant les conflits armés.

Les violences permettent à leurs auteurs d'alimenter maints stéréotypes qui confortent toutes les formes de domination, des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des puissants sur les faibles, stéréotypes qui, sans ces violences, auraient dû disparaître.

En 2010, la méconnaissance de la réalité de la violence faite aux femmes et aux filles, de ses conséquences à long terme sur leur santé, l'insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre elle, l'absence de prise en charge des victimes sont donc dues avant tout à l'ignorance des véritables causes de la violence, de ses effets et des mécanismes de sa reproduction. Cet état de fait est aggravé par les fausses représentations sur les violences et par des stéréotypes sexistes, qui font de la violence une fatalité, de l'homme un prédateur et de la femme un objet de consommation et d'instrumentalisation."










8 commentaires:

  1. La guerre contre les femmes. Destruction psychique et métaphysique, massacre, cannibalisme, mise en esclavage, sérénade asphyxiante de l'amour pour vous tenir à merci via une protection illusoire : je suis en pleine lecture de Ti-Grace Atkinson (Odyssée d'une Amazone -que tu préconisais dans tes lecture d'été :-))) -et ce texte résonne bien avec ce qu'elle dit lors des conférences consignées dans son ouvrage. Ces violences provoquent chez les femmes une mauvaise santé générale, des dépressions graves, voire des suicides.

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  2. "Ces violences provoquent chez les femmes une mauvaise santé générale, des dépressions graves, voire des suicides."

    Je me dis souvent que le seul moyen de sensibiliser "les gens" serait de leur mettre devant le nez la somme que cela leur coûte. Malheureusement, il n'y a que ça qui mobilise ...


    PS: régale-toi bien avec Ti-Grace !!!

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  3. Je viens de lire qu'il y a deux fois plus de suicides chez les adolescentes turques en Allemagne que chez les allemandes. Normal : elles subissent deux fois plus de violences.

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  4. Merci pour cette découverte. Je pense que je vais le reprendre sur mon blog moi aussi!

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  5. J'avais mis un commentaire mais il a disparu. Tant pis j'en mets un autre : cet article est tellement bien qu'il dépasse de loin tout ce que j'ai jamais lu d'intéressant sur le sujet.
    C'est une super trouvaille ! Merci et félicitations !

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  6. @ Alice

    N'hésite pas à le mettre en lien. Il faut rendre visible ce genre d'analyse.

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  7. @ Euterpe

    J'ai fouillé un peu partout mais je n'ai pas trouvé le commentaire disparu. C'est dommage.

    Oui, moi aussi je n'avais jamais rien lu de tel sur ce sujet que l'on traite généralement comme un phénomène isolé (et une affaire privée ...). Cet article (et le blog en général) sont vraiment dans une perspective féministe, seule garante de traiter le problème ET ses racines.

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  8. @ Euterpe

    Je viens de retrouver ton message perdu dans ma corbeille. Du coup, il apparaît avant ton second message. Je suis vraiment désolée ...

    Pour en revenir à ce que tu y disais, ça ne m'étonne pas et encore, je me dis que les femmes sont en général bien courageuses d'endurer toute cette haine, cette violence partout car bien souvent elles n'en viennent pas à l'extrémité du suicide.

    Il FAUT se mobiliser partout, il FAUT que cette folie cesse partout.

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