mercredi 15 septembre 2010

Danielle Bousquet "censurée" mais pas partout !

Voici un article publié par le site Nouvelles News et relayé par Alice. Il reprend le discours de l'une des rares femmes politiques féministes qui n'hésite pas à appeler le patriarcat par son nom et à dénoncer l'inertie de la classe dominante à le regarder en face et encore moins à l'éradiquer. Les parties en gras sont de mon fait, la féminisation de certains mots aussi.

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Les député.e.s achèvent, mercredi 15 septembre, l'examen de la réforme des retraites. Dans un ambiance houleuse, le président de l'Assemblée nationale a choisi d'écourter le temps de parole de l'opposition. Parmi les député.e.s n'ayant pu intervenir, Danielle Bousquet. Vice-Présidente de la délégation de l'Assemblée aux droits des femmes, elle évoque un texte « doublement injuste pour les femmes ». Nous publions ici son intervention « censurée ».

 
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Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes cher.e.s collègues,


Votre contre-réforme sur les retraites est d'abord totalement illégitime quand l'on se rappelle les promesses de Nicolas Sarkozy faites devant les Français.e.s avant et après son élection, quand l'on voit l'urgence avec laquelle vous voulez imposer cette contre-réforme, ce qui entraîne un manque flagrant de concertation avec les partenaires sociaux et un Parlement dont on bride les débats.


Mais votre contre-réforme est surtout illégitime car elle est INJUSTE. Injuste pour l'ensemble des français.e.s. Et doublement injuste pour les femmes.




Sur ce point les critiques sont unanimes et exprimées avec force :




- par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale qui dans son rapport de juillet 2010 s'alarme d'un creusement des inégalités à craindre avec votre réforme, inégalités qui affecteront, en priorité, les retraites des femmes, analyse la délégation.

- par la Rapporteure UMP de l'Observatoire de la parité qui dénonçait, dans un communiqué en date du 6 septembre, une réforme qui non seulement ne corrige pas les injustices que connaissent aujourd'hui par les femmes au moment de partir en retraites, mais qui au-delà les pénalise encore davantage. Le communiqué se conclut sur cette phrase : « Une réforme juste suppose de donner plus à celles qui ont moins. Si le Gouvernement ne fait pas plus aujourd'hui, les femmes resteront les pauvres de demain. » Sans le formuler vraiment, elle dit tout de votre inertie face à ce problème, et de votre responsabilité dans la fabrication des femmes pauvres de demain.


- sévères critiques aussi de la HALDE qui s'est auto-saisie en pointant du doigt le fait que les femmes du fait de leur maternité et de leur sexe sont discriminées face à la retraite et que ceci devait nous conduire à faire émerger des mesures correctrices.


- c'est également en s'appuyant sur la définition juridique selon laquelle une
« disposition apparemment neutre qui désavantagerait particulièrement des personnes par rapport à d'autres pour des motifs prohibés comme – notamment - le sexe » qualifie une discrimination indirecte, que j'ai, avec plusieurs député.e.s de gauche, décidé de saisir la HALDE considérant que votre contre-réforme est discriminatoire à l'égard des femmes.


- et puis enfin les critiques unanimes qui se sont exprimées dans de nombreux articles de presse, de tribunes ou d'appels de représentant.e.s du monde de la recherche, du monde associatif, etc …


Nous nous interrogeons. Que faut-il de plus à ce gouvernement pour entendre la voix de la raison ? Une ferme condamnation de l'ONU ou du Parlement Européen ? NON, l'actualité nous montre que même à tout cela vous répondez par le mépris ou la posture des incompris. Et pourtant M. le Ministre, il faut que vous sachiez qu'on n'a jamais raison contre tout le monde.


Au lieu d'entendre la voix de la raison, vous répondez par l'absurde. Votre règle semble être : « plus c'est gros, plus ça passe » ! C'est ainsi que l'on a pu notamment entendre M. Woerth nous expliquer que tout ce remue-ménage autour des retraites des femmes n'était en fin de compte pas justifié puisque les femmes nées dans les années 60 n'auront plus de trimestres d'écart avec les hommes au moment de leur départ en retraite. Cette démonstration, dont la malhonnêteté a été brillamment démasquée sur ces bancs, a été reprise en choeur par Mme Morano qui n'a pas hésité à clamer, avec le talent qu'on lui connait, aux médias qui voulaient l'entendre que votre contre-réforme ne pénalise pas les femmes ! (vidéo de backchich.info du 9 septembre). Ou l'on a encore pu entendre M. Woerth déclarer à propos du temps partiel subi par les femmes, nous demander d'arrêter avec ce fantasme estimant qu'une grande partie du temps partiel n'est pas subi, c'est le choix des femmes, c'est leur vie !
Nos ministres seraient-ils enfermés dans leur tour d'ivoire ? Je sais bien que la rue de Grenelle, le Faubourg Saint-Honoré et la rue de l'Université sont proches, cela est bien pratique, mais de grâce redescendez dans la réalité qui est celle du pays aujourd'hui !


Et lorsque M. le Ministre, vous assénez que la retraite ne va pas tout régler, et qu'après tout, si ces femmes ont peu travaillé, ou peu longtemps, ou à temps partiel, en quoi est-ce anormal qu'elles ne touchent presque rien à la retraite, j'ai envie de vous demander M. le Ministre : quelle est votre objectif en politique si ce n'est celui de corriger les injustices ?


Car enfin, la vérité c'est que vous faites semblant de croire que tout ceci, que cette situation est somme toute naturelle. Et c'est bien là le problème !


Et bien je vais vous livrer le témoignage d'une femme qui exprime sa révolte sur un forum internet consacré aux retraites. La retraite est une affaire bien curieuse pour elle. Elle qui a dû abandonner au bout de quelques années une carrière professionnelle faute de pouvoir faire garder ses cinq enfants, et parce que son mari pensait tout à fait logique qu'elle assume la totalité des charges de la famille. Et elle pense aussitôt à "ces cohortes de femmes avec ou sans diplômes, qui comme elle n'ont eu comme d'autre choix que de tenir leur famille" . Voilà les inégalités flagrantes qu'a générée l'organisation sociale actuelle. Et vous n'envisagez aucune mesure, même temporaire, pour permettre de progresser dans la lutte contre ces inégalités.


Et nous savons que ceci, comme bien d'autres maux de notre société concernant les femmes, est la résultante d'un ordre social établit : le patriarcat. C'est-à-dire un mode d'organisation de la société basé sur la prééminence d'un sexe sur l'autre. Et cet ordre établi, nous socialistes, nous voulons le renverser pour aller vers une société d'égalité entre les femmes et les hommes au bénéfice de l'émancipation de toutes et tous. Cette bataille au niveau des retraites est symptomatique de votre immobilisme dans ce domaine, alors qu'il faudrait d'une part des mesures d'urgence pour réparer les inégalités existantes, et d'autre part des mesures volontaristes qui préviennent ces inégalités à la source.


Il y a urgence, à l'occasion de ce projet de loi, à prendre une batterie de mesures d'urgence pour augmenter les pensions des femmes aux petites retraites, pour réduire le temps de précarité par lequel les femmes doivent très souvent passer avant de toucher une pension sans décote, pour rendre les temps partiels qu'elles subissent moins pénalisants dans le calcul de la retraite, etc...

Mais non. Ces efforts de justice sociale vous vous refusez à les faire. Vous vous refusez à rompre avec une logique qui demande aux salarié.e.s, et aux plus fragiles en particuliers, toujours plus d'efforts.


M. le Ministre, les mensonges et les contre-vérités ne suffisent plus. Vous prenez la responsabilité d'installer des millions de femmes dans une pauvreté encore plus grande dans les années à venir. Vous ne pouvez pas continuer à égrener tant de contre-vérités au mépris de la réalité que vit la moitié de la population française.


Totalement déconnecté de la réalité sociale de notre pays, vous n'êtes pas le Ministre du travail, mais le Ministre de la précarité accrue, tout particulièrement pour les femmes.



7 commentaires:

  1. La précarité des femmes les contraint à la subordination et même à une sorte de prostitution de survie, c'est ce que souhaite ce gouvernement de toutes ses forces. Sarkozy souhaite fonctionner comme un monarque de l'Ancien Régime qui contrôle tout et tout le monde, distribue grâce et disgrâce selon son bon vouloir et, comme dans l'Ancien Régime, la femme doit recommencer à faire la domestique pour permettre aux hommes de se réapproprier les affaires publiques dans leur intégralité.
    A propos du blog "Partageons mon avis" et de son blogueur qui se prétend de gauche, il incarne au contraire à merveille le produit de cette mentalité. Il tient quatre blogs, répond illico à la moindre réponse, et distribue des commentaires au quatre coins de la blogosphère chez ses 235 membres. Cela veut dire quoi ? Ben : bobonne au foyer qui assure l'intendance. Parce que tenir quatre blogs que l'on alimente tous les jours et contrôler sa Cour du soir au matin, signifie que le ménage, les courses, la vaisselle, la lessive, les repas, toutes les tâches domestiques et éventuellement l'éducation des enfants soient assurés par quelqu'unE d'autre !
    De plus ses textes sont des joyaux de duplicité où une chose est dite et son contraire. Il semble désavouer le gouvernement tout en ridiculisant l'opposition. Et tout le monde de marcher dans la combine. C'est un pur élève de Sarkozy, en fait.
    Il y a aussi des femmes-alibis dans le gouvernement Sarkozy cela ne veut pas dire qu'il ne souhaite pas remettre les autres aux fourneaux. D'ailleurs sa politique inégalitaire est une manière détournée de parvenir à ce but. Là où un Le Pen aurait montré la couleur, un sournois de l'UMP tâchera d'obtenir le même résultat "par défaut" en quelque sorte.

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  2. @ Euterpe
    Le partageur de son avis sexiste est un quadra célibataire sans enfants qui se fait sa petite lessive tout seul comme un grand et son ménage en vieux garçon qu'il est.
    C'est un quelconque technicien en informatique dans une grande boîte dont il gère le réseau intérieur. Il partage d'ailleurs très bien le profil des admin de wikipédia qui ne connaissent rien d'autre à part l'informatique, inculte à souhait. Je ne crois d'ailleurs pas qu'il soit ingénieur.

    Il y a 20 ou 25 ans, les femmes avaient investi massivement l'informatique, domaine nouveau considéré secondaire et moins noble que le domaine scientifique classique par les mâles et donc délaissé par eux. Quand ils se sont aperçu que ce domaine offrait de plus en plus de débouchés et qu'ils étaient en bonne passe de s'y faire supplanter par les femmes, tous ceux qui trouvaient que tout de même les sciences pures c'est dur ont commencé à trouver que tout compte fait l'informatique n'était pas un domaine si dégradant pour les hommes qu'il faille le laisser aux femmes. Ils l'ont donc investi massivement à la pousse-toi de là que je m'y mette. Comme ailleurs les femmes avec leur congés de maternité et les préjugés traditionnels entretenus à leur égard s'en sont faites évincer, au point que ce secteur à l'origine largement féminisé est devenu un bastion du machisme avec un des plus faible pourcentage féminin dans les effectifs parmi les ingénieurs.

    Le type en question est parfaitement représentatif de cette manière de penser et de procéder.

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  3. @ euterpe

    La précarité des femmes est le gage de la pérennisation du pouvoir masculin. Et comme tu le dis très justement, cette situation les pousse à rester dépendantes pour subvenir à leurs besoins vitaux dans une espèce de démarche prostitutionnelle.

    L'oppression domestique, loin d'être une affaire privée et une question anodine, constitue l'un des noeuds de la pauvreté des femmes (et de la dégradation de leur santé physique et mentale).

    Quant au partageur de son avis, il tient quatre blogs certes, quatre blogs "populaires" mais la démagogie teintée de politiquement correct fonctionne encore bien.
    Son billet sur Camille, boucher aviné de son état, est d'un caricatural ... le parfait exemple d'article qui ne sert strictement à rien sinon à prouver à ses lecteurs/lectrices que, décidément, c'est un type bien. De l'égo à gogo ...

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  4. @ Floréal

    Oui et d'ailleurs Hypathie avait fait un billet sur les inventrices de l'informatique. Encore des femmes perdues dans le néant sexiste !

    On m'a récemment sorti sur vie de meuf (blog récupéré par des machos à peine déguisés ...)que la paix avait été inventée par des hommes. Mouarf ...
    Je lui ai répondu que j'étais au courant qu'il les leur fallait toutes les inventions. Sérieux, jusqu'où va se nicher l'orgueil de ces gros nazes. Opportunistes, sournois, égotiques, j'arrête là, la liste serait trop longue pour les décrire avec exhaustivité.

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  5. A Floréal : tu as "trop" raison (comme dirait ma fille) ! Lorsque j'étais étudiante aux Arts-Décos, la première personne que j'ai vu se lancer à fond dans le domaine graphique sur ordinateur, était une femme ! Par la suite, c'est encore une femme qui a ouvert la première agence graphique sur ordinateur des environs de chez moi. Les hommes sont restés distants.

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  6. c'est super que tu l'ai mis aussi ce texte, je pense le reprendre ! je l'ai lu chez les Nouvelles aussi, c'est bien de pouvoir compter sur nous mêmes !!!

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  7. @ Emelire

    N'hésite pas à le diffuser d'autant plus que ton blog est pas mal visité, il faut le rendre visible.

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