mercredi 25 août 2010

Etude comparée

En replongeant dans un document sur la Françafrique et son néo-colonialisme, je n'ai pu m'empêcher au cours de ma lecture de faire un parallèle très personnel et sans aucune prétention scientifique entre le colonialisme et le machisme.

Au nombre des similitudes, j'ai retrouvé:

- l'infériorisation, l'objectivation et l'alterisation d'une partie des membres de l'humanité sous des prétextes aussi variés qu'infondés;

- l'appropriation arbitraire des ressources matérielles et humaines de ce groupe;

- l'exploitation du groupe en question sous la contrainte voire la violence;

- la certitude des dominants d'oeuvrer pour le bien de ces personnes et de les protéger en quelque sorte des travers et faiblesses qui leur sont communément attribué.e.s;

- des luttes, des révoltes qui ont permis une remise en question de ces systèmes conduisant à la décolonisation, d'une part, et à l'attribution de droits fondamentaux pour les femmes, de l'autre.

L'histoire pourrait s'arrêter là, les opprimé.e.s ayant obtenu ce qu'els voulaient.

Pourtant les constats qui suivent m'ont frappée:

- les années, les siècles de domination et de dévalorisation ont laissé les victimes terrassées, incapables (étrangement ...) d'user de la liberté et de l'autonomie qui leur étaient accordées;

- le système de domination est non seulement toujours à l'oeuvre mais il utilise des moyens détournés et souterrains pour s'exercer;

- d'officielle et affichée, l'oppression (devenue politiquement incorrecte) a glissé vers l'officieux et l'hypocrite rendant la tâche plus difficile pour celles et ceux qui souhaitent s'en libérer et les renvoyant à un statut d'insatisfait.e.s chroniques (mais c'est quoi leur problème encore ?);

- l'échec du groupe à sortir de sa condition pour les raisons évoquées plus haut est brandi comme la preuve indéniable de son infériorité.

Le colonialisme ne s'assume désormais pas plus que le machisme ... question d'époque capable ou pas d'assumer ses zones d'ombres. Combien se défendent de l'un ou l'autre chaque jour drappés dans leur prétendue modernité ?

Ca n'empêche pas ces deux archaïsmes de s'exercer encore avec tout le cynisme que notre époque affectionne.

L'Afrique est un continent riche dans toutes les acceptions du terme, un continent appauvri par l'avidité et le sentiment de supériorité de quelques uns. Ses artistes n'ont de cesse d'en appeler à la jeunesse pour lui construire un avenir. Ne plus la fuir pour des pays qui leur sont hostiles, retrouver les valeurs et la culture qui l'ont forgée, réapprendre à s'aimer.

Ca doit être ça qu'on appelle l'empowerment, un mouvement qui finira bien par sa force vive à faire taire ceux qui ne veulent y voir qu'une utopie.

8 commentaires:

  1. Oui, sans doutes, probablement, mais encore, et alors? Qu'est-ce que ça nous apporte? Pour moi, c'est précisément là qu'on sort du féminisme.

    Dans ton précédent billet, tu parlais fort justement de "porter les autres et leurs chagrins". Avec tous les problèmes que nous avons déjà, il faudrait "encore" aller s'occuper des autres? Je me méfie de celleux qui viennent faire levier sur notre empathie pour telle noble cause ou telle autre, dont les femmes et leur condition sont comme par hasard reléguées à l'arrière-plan (ou carrément absentes). Je me méfie de ces ex baba-cool qui vont jouer les ethnologues pendant leur vacances, de ces "sociologues musulmanes" qui nous disent que le voile c'est très bien et que d'ailleurs nous ne sommes pas libres nous en occident, assujetties que nous serions à la taille 38 (oui mais en attendant je préfère être une femme en Europe plutôt qu'en Afrique, désolée).

    Je ne crois pas un mot des thèses mirifiques selon lesquelles nous aurions "tellement à apprendre" des autres et de leurs sublimes cultures nécessairement meilleures que la nôtre.

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  2. Je trouve la comparaison excellente ; les hiérarchies sont basées sur le modèle père /enfant : patriarcat/femme,mère,épouse, colon/colonisé, patron/ouvrier, maître/esclave..., le deuxième du binôme étant tenu en état de mineur-e avec de sérieux handicaps à surmonter (y compris personnels) quand il-elle gagne de haute lutte son autonomie. Autonomie toujours contestée dont en péril.

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  3. @ Floréal

    Justement, je pense qu'observer et démonter les mécanismes d'oppression peu importe le groupe victime est une démarche féministe.

    D'autant plus que parmi les groupes discriminés en raison de leur race, il y a des femmes. Le féminisme y a toute sa place.

    Idem pour la lesbophobie et l'homophobie qui ont pour dénominateur commun la haine des femmes.

    L'oppression est quelque chose qui me révolte quel que soit le groupe visé.

    En revanche, je te rejoins sur la vigilance que nous devons exercer pour que notre cause ne soit pas instrumentalisée ou occultée. La théorie selon laquelle le prolétaire qui bat sa femme ou l'immigré qui s'en prend aux femmes (blanches si possible) agit ainsi pour se venger de l'oppression que lui-même subit me révolte. Je sens toujours dans cette thèse l'idée que le machisme est excusable car il répond à une oppression supposée plus grave (Cf. l'article de Fakir (la tristement fameuse machine à enculer les gonzesses) qui nous a indignées).

    Moi aussi, je préfère vivre ici, il n'empêche que ce n'est pas drôle non plus (on en parlait dans le billet précédent!). Seulement, je me méfie de l'instrumentalisation du féminisme lorsqu'il s'agit de dénoncer le machisme des Arabo-musulmans histoire d'oublier que le "bon petit Français" peut aussi bastonner sa femme, faire subir un viol ou une tournante, traiter son frère de "gonzesse", consommer de la porno dégradante et de la prostitution, rire aux blagues sexistes des humoristes, applaudir Orelsan, défendre Polanski, etc.

    Depuis quand les hommes Français sont féministes ? Combien qui dénoncent le voile pour combien qui dénoncent la violence conjugale ? Quel traitement médiatique, projets de lois, débats passionnés au sujet du voile pour quel traitement, projets, débats au sujet des viols qui font pourtant des ravages ?

    Perso, je ne suis pas dupe de ce féminisme dévoyé et je trouve bien que des femmes victimes d'une forme de machisme propre à leur culture (et conscientes d'être aussi des victimes) secouent nos certitudes sur le prétendu respect des hommes occidentaux envers les femmes. Ils ne les respectent pas plus, ils sont justes plus sournois par souci de garder une image acceptable.

    D'ailleurs, n'est-ce pas ce que nous faisons lorsque nous dénonçons ce qui se passe ailleurs: pointer ce qui nous choque ?

    Et si c'était l'occasion de prélever dans chaque culture ce qui se fait de mieux pour les femmes à la manière de "la clause de l'Européenne la plus favorisée" ?

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  4. @ Hypathie

    Merci !

    Ce que je trouve le plus frappant, c'est le politiquement correct qui veut que colonialisme et patriarcat soient révolus alors qu'ils ont juste pris des formes plus sournoises. Et cela leur donne que plus de force.

    Je pense qu'à ce titre la tâche des féministes actuelles est plus dure que celle des féministes qui nous ont précédées.

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  5. @ Héloïse
    Je ne suis pas plus dupe que toi du féminisme dévoyé d'hommes devenus soudainement hyper-féministes à propos du voile quand pour le reste ils ne le sont en rien. Je ne suis pas davantage dupe du féminisme d'une certaine extrème-gauche pour lequel ce dernier sert surtout à libérer une parole sexiste au nom de l'antiracisme et de la lutte à l'islamophobie.

    Il me semble que cependant, même si nous sommes actuellement en période de backlash en occident, les hommes ont "appris", se sont fourré dans le crâne que non, certaines choses ne sont pas possibles et peuvent leur coûter cher, très cher en terme d'années de prison, même s'ils passent sur un mode plus sournois, ils ont dans l'ensemble compris le concept.

    Ce n'est absolument pas le cas dans d'autres cultures que la nôtre, occidentale, où certains crimes à l'encontre des femmes restent tolérés et impunis; pires sont loi. Tu m'excuseras du peu, mais c'est ce qui fait la différence, ce qui fait qu'il vaut mieux être une femme en occident plutôt qu'ailleurs.

    Pour un Orelsan blanc à juste titre vilipendé, combien de rappeurs noirs pouvant continuer à débiter leur rap criminel et sexiste le plus tranquillement du monde? Un tas, je dirais.

    "Et si c'était l'occasion de prélever dans chaque culture ce qui se fait de mieux pour les femmes à la manière de "la clause de l'Européenne la plus favorisée" "
    ça me semble assez abstrus. Que je sache, il y a des webzines pour faire le point sur ce qui ce fait sans le monde; Sisyphe est un bon exemple, il me semble. Sinon il y a des grands colloques internationaux comme celui de Pékin il y a une douzaine d'années. Après quoi toutes les délégations retournent chez elles et cherchent à mettre en œuvre ce qui a été reconnu comme étant ce qu'il y a de mieux à faire pour avancer. "Retourner chez soi" n'exclue pas les contacts, il me semble.

    Mais quid de ces "féministes indigènes", "françaises de papiers" (non je ne mégoterai pas sur le terme) qui ne retournent pas chez elles et qui ont décrété une fois pour toutes que le féminisme blanc n'est pas universel, les blanches étant exclues de l'universalisme, style les "blédardes" et autres "indigènes de la république", sans même parler des ex-baba-cool "bien de chez nous" jouant les ethnologues en vacances et leur crétine "pensée magique éco-révolutionnaire"? Celles-ci font passer d'abord et avant tout leur "communauté" et ses intérêts, poussant leurs machos en avant qui n'ont rien à envier aux nôtres, et toute problématique féministe nettement en retrait.

    L' "égalité"? Ah certes, quand nous en serons toutes revenues à la condition féminine du XIX° siècle en Europe (c'est le niveau moyen de la porteuse de hidjab contemporaine, ne parlons pas de la masse outre-occident à peine sortie du moyen-âge quand ce n'est pas du néolithique et qui vient ici -la porteuse de hidjab d'ici incarnant presque la modernité à côté-), nous serons toutes égales dans la subalternité face au machisme et à la domination masculine. Elles auront gagné. elles auront vraiment de quoi être fière: dans une siècle et demi on en sera toute au XIX° siècle, et dans 4 ou 5 siècle, on pourra timidement commencer à reparler de féminisme.

    C'est ce que tu veux?

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  6. @ Floréal

    Le machisme "à l'occidentale" est certes moins frontal car nous avons mis en place un arsenal de lois pour parer au plus pressé, au plus visible je dirais. Il n'empêche cependant pas les viols et la violence de genre se perpétrer. Le machisme tue et blesse ici aussi mais le pire à vivre c'est qu'on nous dit qu'il n'existe plus ou qu'il est modéré. Comment alors combattre un ennemi que l'on dit avoir terrassé sans passer pour des folles ?

    Combien de fois l'argument "Va vivre en Afghanistan" a été lancé à des féministes ?

    Ce que je n'aime pas dans la stigmatisation du machisme des "autres", c'est la diabolisation (largement relayée par les médias) des étrangers.

    Fatima Mernissi (ta grande copine !!!) explique que dans les harems les femmes sont choisies aussi pour leur degré de culture, d'intelligence, leur faculté de jouer d'un instrument de musique. Attention, je ne fais pas l'apologie du harem !!! Mais ce genre de remarque me permet de dire qu'ils ont une vision des femmes en ce sens plus respectueuse que les Occidentaux qui ne veulent voir les femmes que comme des potiches. Il y a de bonnes choses dans toutes les cultures en matière de féminisme pour peu que l'on n'en ait pas peur et que l'on ne cède pas aux sirènes politiques et médiatiques de la diabolisation des étrangers.

    Ces femmes dont tu parles, je travaille avec sur des dispositifs d'alphabétisation. Elles sont à mille lieues de la description que les médias en font. Elles sont comme nous: elles veulent être libres, souhaitent apprendre le français pour partager avec leurs voisin.e.s, sont ouvertes à tout ce qui peut les sortir du carcan familial traditionnaliste. Quand je les vois à côté de "reconnues Françaises" qui ont passé deux heures avant de venir en formation à se maquiller/épiler, à préparer le repas de midi pour Chéri (pas pour elles, elles sont au régime ...), à récurer leur cuisine et étendre leur linge, chaussées de vêtements et chaussures inconfortables mais tellement sexys, je me dis qu'il n'y a pas de grosses différences entre toutes ces femmes. Elles sont coincées, les unes savent par qui, les autres pensent qu'elles ont choisi leur situation. C'est quoi le pire ????

    Le résultat est quand même identique: elles sont toutes là parce qu'elles n'ont pas de formation/de travail et ce sont toutes des précaires qui, au mieux, trouveront un emploi usant et méprisé d'auxiliaire de vie.

    Revenir au XIXe siècle est un fantasme (et donc un paradoxe) lepéniste. Moi, je n'ai pas peur d'un supposé complot des femmes étrangères pour nous soumettre comme elles le sont.

    Ta vision est alarmiste et ta peur des étranger.e.s est probablement nourrie par la politique actuelle qui stigmatise à dessein les étranger.e.s. Encore une fois, elle parvient à diviser les femmes et les féministes ... je trouve ça dommage.

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  7. @ Héloïse
    Je ne vote pas Le Pen, un personnage que je n'ai jamais aimé, ni même Sarkozy, que je n'aime pas non plus. Etre sensible aux médias, j'aurais tout de même du mal, je ne regarde pratiquement jamais la télé et en plus je n'ai pas la télé française à part Arte et France 24, ce n'est pas TF1.

    Bien sûr, que le machisme tue et blesse ici aussi. Mais nous avons effectivement réussi à mettre en place des lois. Ce n'est pas le cas dans de nombreux pays, je le répète et ce n'est pas une vue de l'esprit. Le nombre de victimes n'est certainement pas comparable.

    Vraiment, aller prendre en exemple le harem, je ne vois pas ce qu'on peut y trouver de bien! Des femmes cultivées! Mais les favorites des rois sortaient d'un sérail sur mesure, et une Pompadour était une femme très cultivée. C'est vraiment aller chercher des exemples tirés par les cheveux. Sans doutes les princes des Emirats ont-ils aussi des harems en version contemporaine où vivent des femmes instruites. Mais j'imagine que les escort girls fournies par des agences spécialisées aux élites occidentales pour les accompagner dans les diners d'affaires le sont également. Mais je n'y vois rien de féministe, rien de respectueux envers les femmes!

    Je ne fais aucune confiance aux porteuses de hidjab. Absolument aucune. Je pense qu'elles détestent les pays d'Europe dans lesquels elles sont et je n'ai aucun besoin des medias pour le penser. C'est "mon" opinion.

    "Peur" des étrangers... C'est pénible à la fin cette ritournelle selon laquelle on devrait être mortes de trouille. Non. Je n'apprécie pas la présence immigrée, particulièrement musulmane, c'est différent. Je n'ai pas envie de "vivre ensemble" avec. En voir arriver et s'installer, puisque c'est bien pour cela qu'ils viennent et non pas pour repartir chez eux un jour est pour moi un véritable crève-cœur.

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  8. @ Floréal

    Je crois qu'il vaut mieux éviter d'aborder ce genre de sujets ensemble ...

    Parce que quand j'en vois arriver et s'installer ça me crève le coeur aussi mais pas pour les mêmes raisons: qu'ont-els fui ? la misère, la faim, une guerre ? En tout cas, je me dis toujours (probablement en tant que fille d'immigré.e.s italien.ne.s) que l'exil n'est jamais un vrai choix.

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