mercredi 30 décembre 2009

Colère de féministe

J'ai retrouvé ce texte parmi mes archives. Je l'aime toujours autant.

"On me dit que ma colère n’est pas constructive, qu’elle n’est pas légitime ; que tout analyser en terme de rapports de genre et de domination sexiste est réducteur. Oui, je suis en colère. Je suis révoltée parce que depuis toute petite, on m’a appris la soumission. On m’a expliqué que je devais être douce et compréhensive, ne pas m’énerver, ne jamais être violente. Parce qu’on m’a forcé à rentrer tout ça en moi, à subir les agressions et à ne pas broncher.

Je suis en colère parce que tous les jours, je suis renvoyée à mon rôle de femme, à ma place de femme. Femmes qui doivent gérer le quotidien, femmes qui ont le sens des responsabilités, femmes qui doivent toujours être capables de s’exprimer posément, femmes à qui tant d’activités sont interdites, parce qu’elles sont masculines.

Je suis en colère parce que je suis une bizarrerie : femme qui boit, qui crie, qui bricole, qui se bat. Parce que j’ai été contrainte d’adopter les codes masculins pour pouvoir exister dans des espaces publics, parce que j’ai été obligée de me battre pour être écoutée, crue, prise au sérieux, reconnue. Parce que je ne suis pas une femme, puisque je n’ai pas le comportement attendu d’une femme ; que je ne suis pas un homme, parce qu’il me manque une bite. Du coup, je suis la chieuse, l’emmerdeuse.

Je suis en colère parce que je me croyais forte. Et que j’ai laissé un homme me soumettre, m’humilier, me culpabiliser. Parce que je n’ai jamais voulu regarder cette situation de domination, parce que je ne voulais pas me voir comme la victime.

Je suis en colère parce que je n’ai pas le droit d’exprimer cette colère, parce que la femme qui s’insurge de ce qu’elle subit exagère toujours, va trop loin, est antimec. Je suis en colère parce qu’être féministe est un stigmate infamant. Parce que quand on gueule, c’est encore nous qui sommes jugées. Parce que c’est nous les hystériques, les lesbiennes, les mal baisées, les folles.

Je suis en colère parce que je parle avec des femmes, que nous avons toutes la même histoire, que cette histoire est celle du patriarcat et que la dénoncer nous expose à la répression de ceux qui n’y ont pas intérêt. Je suis en colère parce que l’homme arrive toujours à se faire passer pour la victime : victime de sa compagne qui l’a quitté, victimes des sales féministes qui l’oppresse par leurs blagues, victime de son conditionnement. Alors que merde, c’est nous femmes qui trinquons ! Je suis en colère parce que j’ai peur des hommes. De ce qu’ils peuvent faire subir, à moi ou à d’autres femmes. Parce qu’aujourd’hui il n’y a qu’en non-mixité que je me sens en confiance. Parce que oui, c’est dommage, mais que je n’ai simplement pas d’autre choix.

Je suis en colère parce que même quand des mecs réfléchissent à ces questions, c’est encore à nous, femmes, de les prendre par la main, de leur expliquer, de comprendre leurs doutes, de leur demander de prendre position, de les inciter à s’organiser.

Je suis en colère parce que dans tous les cas c’est à la femme de porter. De porter son histoire, les violences qu’elle subit, de porter la critique, les attaques antiféministes, le déni de sa rage. De porter la responsabilité de toujours réexpliquer.

Je suis en colère parce que je ne veux plus compatir. Je ne veux plus m’interroger des heures sur comment expliquer sans renvoyer un truc agressif ou blessant aux hommes. Je ne veux pas m’excuser d’être en colère.

Ce que nous exigeons, c’est d’être enfin entendues et reconnues, en tant que femmes, en tant que féministes, en tant que catégorie socialement opprimée.

Que crève le patriarcat. Maintenant, tout de suite."

Nancy Antisexist. Groupe nancéen antisexiste créé en 2007.

8 commentaires:

  1. la colère ne doit pas être interdite aux femmes bien entendu, mais il faut aussi savoir la mesurer, et surtout se détourner des violences, il y a vraiment des situations où il faut mieux tourner le dos et partir, je le crois ! dur dur en attendant les rapports humains !!!
    mais que cela ne nous empêche pas de passer une bonne année 2010 !!! je te souhaite beaucoup de bonheur et de bons moments !

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  2. @ Emelire

    Tu as raison mais la "saine colère" est parfois salutaire.

    Merci pour tes voeux, je t'adresse de nouveau les miens :) Que cette année nous rapproche un peu plus de la société dont nous rêvons !

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  3. La folie, ça se soigne !

    Bonne année dans la peur de votre ombre, pauvre petite chose terrifiée par la présence d'un homme...

    N'avez-vous pas un père, un frère, un cousin, un neveu pour vous réconcilier avec le genre humain ?

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  4. @ Bisbille 101

    La folie ça se soigne ? Oui,pourquoi ? Vous voulez des adresses ? Je crains cependant que l'hystérie misogyne soit une pathologie difficile à soigner.

    Je vous remercie pour votre sollicitude mais je n'ai pas besoin de me réconcilier avec le genre humain: j'aime beaucoup les femmes et pas mal d'hommes. J'ai seulement du mal avec le genre bitard, en particulier celui qui vient se ridiculiser sur les blogs féministes avec des manoeuvres éculées (trois, dans le cas présent) que l'on repère à des kilomètres.

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  5. Bravo pour la publication de ce texte.

    Je suis un homme et pourtant je le comprends chaque jour un peu plus.
    Je vois le sexisme partout et je sens la puanteur de la mysoginie autour de moi (@Bisbille).

    Je tente, très modestement, de démarrer un blog dans lequel je veux démontrer et dénoncer le sexisme dans notre quotidien. En espérant que cela pourra faire du bien à certainE.

    http://stopausexisme.wordpress.com/

    Bonne continuation.

    J

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  6. @ Jibi

    Merci même si je n'ai fait que publier un texte écrit par d'autres.

    Je suis toujours heureuse de constater que des hommes prennent conscience que la haine misogyne n'apporte rien de sain à nos sociétés.

    Je vais de ce pas me plonger dans la lecture de votre blog.

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  7. je pense qu'il y manque juste l'évocation des millions de morts à travers toutes les guerres de l'histoire, morts en général masculin

    cela démontrerait aux hommes qu'ils sont tout autant victimes du patriarcat et qu'ils ont tout intérêt à l'abandonner pour une idéologie plus égalitaire

    hormis cela, ce texte est très bien

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  8. @ Felindra

    Bien sûr que les hommes sont victimes aussi du patriarcat mais dans une moindre mesure. C'est d'ailleurs pour ça que peu veulent y renoncer car ce système leur offre de nombreux avantages.

    Ceci dit, comment comprenez-vous que dans des sociétés qui ne sont pas en guerre, des femmes meurent pour rien ?

    Près de 160 par an pour la France seulement sans compter les estropiées, défigurées ou violées ...

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