mercredi 31 août 2011

Le second printemps

J'aurais pu évoquer et commenter la polémique qui s'est abattue sur certains manuels scolaires de SVT qui, ô sacrilège hétérophobe, soulèvent timidement la question de l'identité sexuelle. Mais je vous laisserai lire éventuellement l'article en lien (on peut en discuter dans les commentaires) pour en venir au sujet qui lui a volé la vedette: la ménopause.

En médecine traditionnelle chinoise, elle marque le départ d'une période de la vie des femmes qui est appelée poétiquement "le second printemps" selon cette tradition et qui est prémisse du pire selon la nôtre.

Est-ce que friser la quarantaine me prédispose à y penser avec plus d'insistance ? Le fait est que cela m'a conduite à plusieurs réflexions et notamment à fouiner du côté de la construction culturelle.

Le phénomène est physiologique mais sa représentation et sa perception relèvent de la culture qui le reçoit. Ainsi, la ménopause est annoncée dans nos sociétés comme une somme infinie de désagréments voire de pathologies dont la simple évocation en terrifie plus d'une.

Une calamité. 
Le début de la fin.
Foutue.
Out. 
A dégager, la ménopausée.
Et en souffrant, s'il vous plaît.

Et RIEN ou si peu sur l'andropause dont les symptômes sont quasiment similaires et surviennent durant la même tranche d'âge: bouffées de chaleur, sautes d'humeur, dépression, etc.

Les femmes, passé le cap des 40-50 ans, seraient irrécupérables alors que leurs homologues masculins seraient fringants. Presque ils rajeuniraient à entendre les commentaires à ce sujet !

Une sacrée vue de l'esprit car alors que les hommes connaissent à ce moment-là leurs premières pannes sexuelles, les femmes, qui sont dispensées de ce type d'entrave au plaisir, voient leurs menstrues et les risques de grossesse qui les accompagnent disparaître. Ce qui frappe c'est la façon dont les représentations misogynes focalisent sur un déclin supposé chez les femmes (au moment où les conditions d'une sexualité totalement libre sont optimales) et taisent la perte de vigueur sexuelle des hommes (au moment où ils se renseignent sur le Viagra).

La ménopause, il a bien fallu en faire un affront. Et la vieillesse des femmes la fin des haricots. Une femme ménopausée n'est plus féconde donc plus fécondable, quel intérêt ? Mais à quoi peut-elle encore bien SERVIR ? Elle n'est même plus attirante, ses premiers cheveux blancs, ses rides toutes fraîches n'annoncent pas la sagesse, la mâturité comme chez un homme mais la déchéance ...


Les trois âges de la femme. Gustav Klimt.

J'avoue, j'ai joué le jeu des hommes: j'ai détesté mes règles, redouté la ménopause et haï ma vieillesse future. Tout ce qui nous arrive doit être vécu comme une condamnation. C'était sans compter sur ce corps qui a navigué au gré de ses cycles, s'est habitué au roulis régulier et qui trouvera un jour une terre pour tout recommencer. Un second printemps que je prendrai à coeur d'aimer et d'honorer. 

jeudi 25 août 2011

Merci Nafi

pour l'espoir, que tu as incarné comme peu jusqu'ici, de voir un jour l'impunité des puissants trouver enfin ses limites,

pour avoir représenté à toi seule les femmes, les immigré.e.s, les gens de peu ou de couleur qui se tiennent debout contre leurs oppresseurs,

pour ton courage et ta détermination malgré les humiliations, les questions absurdes, les médias voyeurs, les interrogatoires usants que j'ai imaginé.e.s mille fois.

Grâce à toi

beaucoup de nos concitoyen.ne.s ont pris la mesure du machisme, arboré avec fierté, qui sévit ici,

nous connaissons désormais le vrai visage de ce parti politique influent chez nous qui s'est révélé plus odieux, plus malhonnête encore que ce que nos doutes grandissants laissaient entrevoir (ils se réjouissent ici: ils dansent sur l'injustice et le malheur),

nous n'aurons probablement pas- l'indécence ayant un seuil critique- pour candidat à la présidentielle prochaine un homme à la misogynie si prégnante qu'il ne peut considérer les femmes qu'il croise autrement que comme des inférieures dont le consentement est un détail.

Désolée

pour les injures qui t'ont accablée et t'accableront encore,

pour l'indifférence de certain.e.s à ta souffrance dont l'écho te parvient peut-être douloureusement,


pour ce droit à la justice qu'ils t'ont refusé sous des prétextes honteusement extirpés à ta condition d'immigrée précaire.

Et courage

pour la suite: ne leur lâche rien.

lundi 22 août 2011

Demande d'abandon des charges contre DSK: pas de droit à la justice pour Nafi

"Le procureur Cyrus Vance vient de refuser à une femme le droit que justice lui soit faite dans une affaire de viol".



"Le procureur "n'a pas simplement tourné le dos à cette victime, il a aussi tourné le dos aux preuves pathologiques, médicales et physiques dans cette affaire."



"Si le procureur de Manhattan, qui est élu pour protéger nos mères, nos filles, nos sœurs, nos femmes et celles que nous aimons, si lui ne va pas s'élever pour les défendre quand on les viole ou qu'on les agresse sexuellement, qui le fera ?"


Kenneth Thompson, avocat de Nafissatou Diallo.


L'HEURE EST GRAVE POUR TOUTES LES FEMMES VIOLEES DU MONDE DONT LA PAROLE N'A JAMAIS VALU GRAND CHOSE ET NE VAUT DESORMAIS PLUS RIEN

dimanche 21 août 2011

Du dénigrement

Me voici de retour dans la chaleureuse blogosphère féministe ! Cette pause m'a permis de prendre une distance parfois salutaire par rapport à la merde du machisme même si ma condition de féministe m'a parfois rattrapée. C'est ainsi qu'une copine m'a prêté "La plus belle histoire des femmes" de Nicole Bacharan, un recueil d'entretiens menés avec l'anthropologue Françoise Héritier, l'historienne Michelle Perrot et la philosophe Sylviane Agacinsky. Je l'ai laissé traîner sur le buffet, y jetant parfois négligeamment un oeil, puis l'ai ouvert un jour de désoeuvrement pour le laisser en plan à la page 32. Mais ce que j'en ai lu m'a suffi à m'indigner de nouveau, à ressentir au ventre tout ce que je tenais à distance respectable. La colère est là, et je m'étonne de la retrouver intacte, nourrie de ces mots parce qu'ils en précisent les contours.

Jusqu'à cette fameuse page 32, c'est Françoise Héritier qui répond aux questions de Nicole Bacharan, exposant ses théories sur le privilège exorbitant [des femmes] d'enfanter et la valence différentielle [et universelle]des sexes. Maîtriser le ventre des femmes serait devenu très tôt pour les hommes une question de survie, car lui seul peut fournir la survie symbolique, ce pied de nez à la mort, que constitue un fils. Et maîtriser nécessite d'élaborer des outils de subordination: privations de liberté, de savoir et de pouvoir justifiées par un entreprise à grande échelle de dénigrement.

"Il faut convaincre les femmes de leur infériorité, leur rappeler que si elles ne sont pas libres, c'est qu'elles feraient mauvais usage de leur liberté; si elles n'ont pas accès au savoir, c'est qu'elles manquent d'intelligence et de jugement; si elles n'exercent pas de pouvoir, c'est qu'elles sont frivoles et volontiers hystériques."
Le dénigrement du féminin a traversé les époques, les révoltes et les tentatives de régler le problème par des lois. Il est ce que Françoise Héritier appelle "le modèle dominant archaïque" et qui résiste aux modernités qui se sont succédé.


Les femmes doivent- et se doivent de- valoir moins car cela équivaut à pouvoir moins.

Alors que la question du dénigrement des femmes me taraudait, une membresse du forum féministe a posté la vidéo d'une interview de Léo Ferré dans laquelle il se vautre sans retenue dans une misogynie si viscérale qu'elle prend le pas sur la cohérence du propos.

Les femmes sont bêtes et la seule intelligence à laquelle elles peuvent prétendre réside dans leurs ovaires.

Ainsi dans La chanson du scaphandrier que Lora a déniché à ce sujet:
Mets ton habit, scaphandrier

Et dans le cerveau de ma blonde
Tu vas descendre, que vois-tu ?
Il est descendu, descendu
Et dans les profondeurs du vide
Le scaphandrier s'est perdu
Ca ne l'empêche tout de même pas d'affirmer que les pires, ce sont les femmes cultivées. Ah ? des femmes sans ovaires, donc.

Et pourquoi les pires ?

Parce qu'elles sont à même de démasquer l'imposture de leur génie auto-proclamé ?

Ou parce qu'elles savent déceler le pauvre type aigri et misérable tapi derrière ses grands mots de poète frustré ?

Ou bien encore parce qu'elles sont la preuve que les femmes sont capables, voire doublement capables si l'on tient compte des barrières, pièges, interdits et chausse-trappes qu'on a pris soin de disposer sur leur parcours ?

Ce qu'il faut en retenir en tous cas, c'est qu'imbéciles, savantes ou les deux comme vous et moi, peu importe: les femmes ont toujours le tort d'être nées femmes. Le dénigrement n'est alors plus un jugement mais une politique.

vendredi 5 août 2011

Billet fourre-tout

Ne cherchez pas de lien entre tout ce qui suit, il n'y en a pas !

1- "Même s'il est disculpé, DSK restera discrédité parce que libertin". Christophe Honoré.

2- Pour enfin honorer le tag auquel j'ai été conviée par Euterpe, je réponds à la question posée: "Si j'avais été une femme de la Renaissance":

Et bien, j'aurais été William Shakespeare ! La thèse de sa femellité n'a pas encore été validée mais plusieurs noms sont évoqués: Amelia Bassano Lanier, Marie Pembroke ... Et des chercheur.e.s étudient sérieusement la question.

Incarner l'idée que le génie féminin a existé me réjouit même dans l'hypothétique. L'entrave à l'expression, la privation d'éducation, l'infériorisation intellectuelle destinées à plomber ce fameux génie féminin que l'on prétend partout inexistant (mais que l'on a pris soin d'empêcher de germer, au cas où ...) sont comme une chape de béton que certaines ont su ajourer. Et ce n'est pas la femme qui se cache derrière Shakespeare, car seule une femme a pu affirmer cela, qui me contredira:

Fermez les portes sur l'esprit de la femme et il s'échappera par la fenêtre ; fermez la fenêtre et il s'échappera par le trou de la serrure ; bouchez la serrure et il s'envolera avec la fumée par la cheminée.


3- Je mets ce blog en pause pendant quelque temps (une semaine ou deux, je ne sais pas exactement), les commentaires seront fermés.