jeudi 25 novembre 2010

Viol: la honte DOIT changer de camp

Mon petit ami m’a agressée le soir où je lui ai dit que je voulais le quitter. C’est un amateur de films porno, il en regarde beaucoup. Ce soir-là, il avait beaucoup bu. Il devait dormir sur le canapé. Moi, je dormais déjà dans ma chambre. Il est arrivé subitement, furieux. Il m’a forcée à une fellation, après il m’a pénétrée par derrière. Par les cheveux, il me tirait la tête en arrière et a éjaculé en plein sur ma figure.Sonia

Pendant que cet homme me violait, quelque chose m’est apparu très clairement : le viol n’a rien à voir avec un rapport sexuel. C’est un acte de haine et de domination. Même s’il n’y a pas de coups. Pour lui échapper, je me suis réfugiée dans ma tête, en me répétant qu’il ne pouvait atteindre que mon corps, pas ma personne. Mais ma personne, c’est aussi mon corps, et c’est difficile, après cette division, de réconcilier les deux, esprit et corps, de les faire se rejoindre en un seul « moi ».Elisa

J’ai 32 ans aujourd’hui. Quand j’étais enfant mon père regardait des films pornos, ensuite il venait dans ma chambre pour se soulager. Quand j’étais plus grande, il me violait. Ça a duré longtemps. Il disait : même si tu le dis, de toute façon ils ne te croiront pas. C’est ma psy qui m’a aidée à décider de porter plainte.Gaëlle


Voici quelques uns des témoignages recueillis sur le site contreleviol.fr sur lequel vous pouvez

                        SIGNER LA PETITION !


N'hésitez pas à faire circuler le message autour de vous et à visiter les sites des associations organisatrices de cette campagne nationale, Osez Le Féminisme, MixCité et le Collectif Féministe Contre le Viol.

mardi 23 novembre 2010

La fraternité au service de l'égalité

Une petite histoire inventée par un compagnon de féminisme pour illustrer la hantise du macho, l'horreur intégrale du misogyne de base, le tourment suprême du phallocrate: les femmes égales des hommes. 
(merci David !)  



Un jour Jacques proposa le slogan "égalité" pour
représenter la France. Francis, désarçonné, réagit aussitôt :

- Ouais, mais alors faudra que les femmes soient nos
égales ?


- Mais non voyons.

- Bah...


- Bah bah bah... Réfléchis un peu, Francis:
hommes+femmes = hommes = humanité, tu me suis ?

- Euh ... oui, ça coule de source. C'est le béaba des
mathématiques et de la grammaire.


- Ok donc les femmes, ça les concerne pas.


- Marché conclu.


PS: En rédigeant ce billet, j'ai eu une pensée toute spéciale pour la Ligue des Droits de l'Homme et pour tous ceux qui utilisent et défendent le masculin universel en vue d'exclure les femmes des droits humains élémentaires comme le respect, la dignité ... et l'égalité.

dimanche 21 novembre 2010

KKT: ni à prendre, ni à laisser (2ème partie)

Les deux thèses qui m'ont fait mettre de côté KKT sont celles qui concernent la prostitution et la pornographie. Et honnêtement, non pas parce qu'elle défend les deux, souhaitant légaliser la première, mais parce que son argumentaire est incohérent à bien des égards. Les deux domaines sont les plus grands médias de l'humiliation des femmes (avec la publicité), je ne vois pas comment y faire entrer une once de féminisme. Despentes aurait pu éventuellement me  convaincre du contraire si sa théorie n'avait pas comporté des failles abyssales et si je ne l'avais soupçonnée, devant tant de mauvaise foi, de défendre ce qui la fait (ou l'a fait) bouffer.

Pour parler de pornographie, elle s'appuie sur la réaction d'une centaine d'hommes de profils divers face aux questions de David Loftus (Watching sex, how men really respons to pornography). Tous en ont gardé un bon souvenir (!!!) à l'exception de deux homosexuels. Elle en déduit que ce qui choque dans la pornographie c'est qu'elle révèle sans détour ce qui nous fait fantasmer sans passer par la case "raison", les deux homosexuels ayant été gêné par le fait qu'ils se sentaient attirés par les hommes "mais sans l'avoir clairement formulé".

Les hommes aiment la pornographie, n'en sont pas choqués, donc c'est une idée de culs-coincés, qui refusent de voir leur libido en face, que de penser qu'elle est néfaste. Quel raccourci simpliste. Et quelle étrange façon de pratiquer le féminisme que de mettre de côté l'avis des femmes qui, dans leur grande majorité, n'aiment pas la pornographie. Pourquoi ? Parce qu'elles ne s'y retrouvent pas, parce que leurs fantasmes à elles n'existent pas dans la pornographie. Parce qu'on est en présence d'une imagerie créée par et pour les hommes, qui viendra me dire le contraire ? Combien de réalisatrices connues dans ce milieu, à part elle dont le film, médiatisé, a soulevé les plus vives critiques d'ailleurs ? Tous les gang-bangs réunis n'ont pas fait parler autant que ce film. Ca ne t'a pas effleuré, Virginie, que tu touchais là à une prérogative masculine: humilier et dominer à travers la sexualité ? 

Plus loin, Despentes parle des hardeuses, les actrices de films X, et déplore "l'agressivité avec laquelle on [les] traite". Je la rejoins sur sa réflexion, condamnant vivement toutes les violences à leur encontre, mais reste perplexe quand elle dit ne pas comprendre "pourquoi le corps social s'acharne à en faire des victimes, alors qu'elle ont tout pour être les femmes les plus accomplies en matière de séduction" ... Elle qui, à longueur de pages, s'insurge contre la féminité qu'on lui a imposée toute sa vie, elle pour qui la "chaudasserie" (sic) de notre époque n'est rien d'autre qu'une façon, pour les femmes, "de s'excuser, de rassurer les hommes: 'regarde comme je suis bonne, malgré mon autonomie, ma culture mon intelligence, je ne vise encore qu'à te plaire' ". A ses yeux, plaire aux hommes, adopter le "look chienne de l'extrême", "mutiler [son] corps" et "l'exhibe[r] spectaculairement" serait alors anti-féministe et syndrôme de soumission en temps normal et un acte militant dans le cadre de la pornographie ? Formidable ...

Toujours à propos de la pornographie dont elle défend les pratiques les plus violentes comme le gang-bang (ce billet est finalement plus long que prévu, je reviendrai sur la prostitution dans une troisième partie), elle affirme qu' "il est évident que beaucoup de femmes mouillent à l'idée de se faire violenter, gang-banger ou baiser par d'autres filles". Pourtant, dans le chapitre qu'elle consacre à son viol, elle incrimine l'éducation judéo-chrétienne d'avoir semé chez elle le fantasme du viol: "Les saintes, attachées, brûlées vives, les martyres ont été les premières images à provoquer chez moi des émotions érotiques. [...] Ces fantasmes de viol, d'être prises de force, dans des conditions plus ou moins brutales [...] ne me viennent pas "out of the blue". C'est un dispositif culturel et prégnant et précis, qui prédestine la sexualité des femmes à jouir de leur propre impuissance, c'est-à-dire de la supériorité de l'autre, autant qu'à jouir conte leur gré, plutôt que comme des salopes qui aiment le sexe". C'est précisément en accolant "salopes" et "aiment le sexe" qu'elle parle comme un curé de campagne et c'est précisément en défendant les pratiques humilantes de la pornographie qu'elle prend le parti de ce qu'elle dénonce par ailleurs: l'auto-soumission masochiste des femmes. Une balle dans le pied et, encore une fois, une des plus curieuses façons que j'aie vu de militer pour la cause féministe.

Enfin, et pour en terminer avec cet article auquel je ne parviens pas à mettre un point final, je voudrais m'arrêter sur son interprétation de la scène qui a réuni Paris Hilton et Jamel Debbouze sur un plateau télé. Pour elle, le "Toi, je t'ai vue, je t'ai vue sur internet" qu'il lui a lancé en parlant des ses frasques sexuelles comme une façon de la réassigner à sa place de femelle n'aurait pas eu l'effet escompté ... trop riche, trop au-dessus de tout, et encore plus d'un type issu des classes pop, pour être déstabilisée. Zéro réaction, pas un sourcil levé de la part de Paris. Peut-être, il n'empêche que l'appartenance à son sexe lui a permis de l'invectiver à ce sujet. Quelle femme, même blindée de fric, peut en faire autant ? Jamel Debbouze, c'est celui qui évacue sa haine en traitant toutes les femmes de putes et de salopes, riches, pauvres, inaccessibles ou pas. Rien, jamais, ne l'empêche de dire "je t'ai vue à quatre pattes" et de mettre, c'est pathétique, les rieurs de son côté. Rien ne les empêche, et encore moins le rang social, de faire de notre sexualité un enjeu de domination, ils ont le lexique dans leur camp (pute, chienne ou salope). Sur le terrain de la pornographie, il y a une chose qui est indépassable à l'heure actuelle, c'est la vision tordue qu'ont la plupart des hommes de la sexualité et le coeur qu'ils mettent à en faire une guerre dont les femmes seraient les victimes, quelle que soit leur origine, leur compte en banque ou leur physique.

Le problème avec Despentes c'est qu'elle est beaucoup lue, justement parce qu'elle est beaucoup décriée, c'est pourquoi je trouvais nécessaire de remettre son propos en perspective, celle de l'intérêt personnel. Elle a fait son beurre sur la pornographie, elle a subvenu à ses besoins grâce à la prostitution. On ne crache pas dans la soupe ...

samedi 20 novembre 2010

La honte doit changer de camp

A l'occasion de la Journée MONDIALE contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, le Collectif Osez Le Féminisme, le Collectif féministe contre le viol et Mix-Cité lancent une campagne nationale contre le viol. Toute personne qui souhaite s'impliquer dans sa région ou sa ville peut le faire en les contactant.

A partir du 24 novembre, seront disponibles sur le site Osez Le Féminisme :

- Le manifeste signé par les personnalités et la pétition qui sera mise en ligne
- L’affiche de la campagne
- La liste des personnalités signataires
- Un film de sensibilisation réalisé par Patric Jean et Frédérique Pollet Rouyer (en présence de la réalisatrice et du réalisateur)



Toutes les infos ici où vous trouverez le mail de contact.

mardi 16 novembre 2010

Violences faites aux femmes: le blog d'une docteure en traumatologie

J'ai découvert récemment le blog de Muriel Salmona, psychiatre-psychothérapeute en psychotraumatologie qui travaille sur LES violenceS faites aux femmes. Voilà l'une des rares praticiennes qui met son savoir au service de ce fléau et qui replace ce dernier dans le contexte de domination masculine: de l'exploitation domestique à la prostitution en passant par le sexisme ordinaire. Un billet a particulièrement retenu mon attention: fouillé, documenté, novateur par son approche pluri-dimensionnelle. Si le sujet vous intéresse, je vous invite chaleureusement à le consulter. Elle y expose les différents types de violences genrées, les causes (sans négliger la version sociologique), les mécanismes liés la violence autant chez l'agresseur que chez l'agressée ainsi que les pathologies et troubles associé.e.s aux traumatismes engendrés par ces violences.

Voici quelques extraits piochés dans l'introduction de l'article en question:


"Aucune femme, aucune fille dans le monde n'est à l'abri de subir des violences en raison de son sexe. A tout moment de leur vie, dans leur petite enfance, leur enfance, leur adolescence, à l'âge adulte ou pendant leur vieillesse, les femmes peuvent subir de mauvais traitements physiques ou moraux et des violences sexuelles. L'auteur des violences est majoritairement un homme, une personne connue de la victime, le plus souvent un proche. Aucun espace de vie des femmes et des filles n'est protégé. Et les espaces habituellement considérés comme les plus protecteurs - la famille, le couple - où amour, soins et sécurité devraient normalement régner, sont ceux où se produisent le plus de violences. Et ces violences les plus fréquentes sont aussi celles qui seront à l'origine des plus graves traumatismes psychiques et neurologiques. Toutes les violences entraînent chez les victimes des atteintes graves à leur intégrité physique et psychique. Cependant les violences familiale, les violences conjugales et les violences sexuelles font partie des violences les plus traumatisantes sur le psychisme. De 58 à 80 % des femmes victimes de ces violences développeront des troubles psychotraumatiques chroniques

Ces troubles psychotraumatiques peuvent durer des années, des dizaines d'années, voire toute une vie et ont un impact considérable sur la santé des victimes, la santé de leurs enfants, leur insertion sociale et professionnelle et leur qualité de vie. Ils représentent également un coût financier important pour les États.


Pourtant, en 2010, malgré leur fréquence et leur gravité, ces violences faites aux femmes font toujours l'objet d'une méconnaissance et d'une sous-estimation, au pire d'un déni ou d'une tolérance coupable. Elles font l'objet d'une véritable loi du silence. Cette loi du silence protège les agresseurs en leur assurant l'impunité, et elle protège également le mythe d’une société patriarcale idéale où les plus forts (les hommes et tout ceux qui détiennent une autorité) protégeraient ceux désignés comme étant les plus faibles ou les plus vulnérables (les femmes et les enfants). Surtout, cette loi du silence abandonne les victimes à leur sort, toutes les victimes.


Les violences faites aux femmes et aux filles englobent la violence physique, sexuelle et psychologique exercée au sein de la famille, au sein des relations intimes avec des partenaires, au sein de la collectivité, du travail et dans les espaces publics. Cet ensemble comporte aussi les mariages précoces, les mariages forcés, les violences liées à la dot, les crimes d'honneur, les mutilations sexuelles féminines et les autres pratiques traditionnelles préjudiciables à la femme. Il faut y ajouter la violence liée à l'exploitation, le harcèlement sexuel et l'intimidation au travail, dans les établissements d'enseignement et ailleurs. En font également partie le proxénétisme, la prostitution et la violence perpétrée ou tolérée par l'Etat, et les crimes commis contre les femmes durant les conflits armés.

Les violences permettent à leurs auteurs d'alimenter maints stéréotypes qui confortent toutes les formes de domination, des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des puissants sur les faibles, stéréotypes qui, sans ces violences, auraient dû disparaître.

En 2010, la méconnaissance de la réalité de la violence faite aux femmes et aux filles, de ses conséquences à long terme sur leur santé, l'insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre elle, l'absence de prise en charge des victimes sont donc dues avant tout à l'ignorance des véritables causes de la violence, de ses effets et des mécanismes de sa reproduction. Cet état de fait est aggravé par les fausses représentations sur les violences et par des stéréotypes sexistes, qui font de la violence une fatalité, de l'homme un prédateur et de la femme un objet de consommation et d'instrumentalisation."










dimanche 14 novembre 2010

KKT: ni à prendre ni à laisser (1re partie)

King Kong Théorie de Virginie Despentes est un ouvrage que j'ai acheté dès sa sortie parce que la critique le présentait comme un essai féministe assez réussi. Je l'ai lu puis je l'ai laissé de côté, ses positions sur la prostitution et la pornographie étant mal étayées (j'y reviendrai). Le problème avec Despentes c'est que c'est une littéraire pas une essayiste, encore moins une scientifique, et que la rigueur, nécessaire en la matière, souffre de ce qui par ailleurs en fait une grande écrivaine.

Malgré tout et, surtout, malgré son soutien à OrelGland dans les pages des Inrocks, c'est une auteure que je ne parviens pas à dénigrer totalement et sur laquelle je n'ai jamais pu rien écrire tout en le regrettant. Et c'est une féministe que je tiens pour sincère même si je ne partage pas certaines de ses convictions. En effet, il y a en-dehors des deux problématiques citées plus haut, des choses très intéressantes dans ce livre et que je n'avais jamais lues ailleurs, notamment à propos du viol, qu'elle a personnellement vécu, et des tournantes. De plus, sa vision lucide et sans concession des bassesses de la virilité m'a immédiatement fait penser à Valérie Solanas. Peut-être parce que, comme elle, mâcher ses mots ne fait pas partie de son vocabulaire.

Ne pouvant me résoudre à rédiger un billet pour la descendre, ce qui aurait été malhonnête de ma part, pas plus qu'en écrire un pour l'encenser, ce qui aurait été déplacé, j'ai pris le parti d'écrire un billet "pour", celui-ci, et un billet "contre" à venir ou, pour reprendre une formule devenue incontournable, j'ai évité de jeter le bébé avec l'eau du bain. Risqué mais nécessaire à mes yeux.

Donc, parmi ce que je retiendrais de cet ouvrage, il y a ce qu'elle nous dit sur le viol, cette violence pour laquelle aucune ne se retourne contre son ou ses agresseur.s. Même pas elle qui possédait, ce jour-là, un cran d'arrêt aiguisé à la poche, même pas elle qui l'aurait sortie, cette lame, pour défendre son blouson, par contre. 

Pourquoi ? Parce qu'au fond elle a aimé ça, se faire violer (c'est d'ailleurs ce que se sont dit ses violeurs en découvrant le couteau ...) ? Non, parce qu'on nous apprend depuis toutes petites que "l'intégrité physique du corps d'un homme est plus importante que celle d'une femme". On ne se défend pas, on ne touche pas au corps des hommes, "les petites filles sont dressées pour ne jamais faire de mal aux hommes, et les femmes rappelées à l'ordre à chaque fois qu'elles dérogent à la règle." Ce qui les place dans la position la plus injuste qui soit: subir ce que la société considère comme parmi les atteintes les plus graves sans avoir le droit de s'en défendre, ni de s'en venger ... "Damoclès entre les cuisses" pour nous et le gage pour les hommes qu'ils sortiront grandis de cette histoire, ignorant "à quel point le dispositif d'émasculation des filles est imparable, à quel point tout est scrupuleusement organisé pour qu'ils triomphent sans risquer grand-chose, quand ils s'attaquent à des femmes." A ce titre, le viol n'est pas une agression sexuelle mais bien une manifestation paroxystique d'égo.s malade.s.

Les associations d'aide aux victimes permettent de se "reconstruire" (la bonne blague) après un viol, pas de s'y préparer. Nulle part, il n'a existé, il n'existe de groupes de femmes pour venger une soeur violée. Parce qu'il faudrait faire appel à la violence et à l'auto-défense et que ces modes de fonctionnement nous sont définitivement interdits.
Pourtant, pour elle et je ne suis pas loin de la rejoindre, "le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions "masculines", et comprendre ce que "non" veut dire."
Se grouper, se mobiliser, puisque nous sommes TOUTES concernées, et envoyer des messages forts suffirait à mon sens: ne jamais sous-estimer la couardise virile.

La couardise virile, excellente articulation pour aborder les tournantes dont je livre ci-dessous la version Despentes. Quelle groupement d'êtres humains, à l'exception de la Mafia, est plus lâche qu'une poignée d'individus s'en prenant à une seule individue ?

Mais le propos de Virginie n'est pas là: pour elle, ces viols collectifs ne sont rien moins qu'une manifestation de l'amour que les hommes portent à leurs congénères, "On dirait qu'ils veulent se voir baiser, se regarder les bites les uns les autres, être ensemble en train de bander, on dirait qu'ils ont envie de se la mettre." A force de s'auto-persuader partout qu'ils sont les plus beaux les plus forts, les plus tout, ils finissent par le croire ... "Les hommes aiment les hommes." Elle va plus loin en les exhortant assez crûment: " ... qu'est-ce que [vous] attend[ez] pour [vous] enculer ? Allez-y. Si ça peut vous rendre plus souriants, c'est que c'est bien." Voilà vraiment le genre d'idée qui me vient à l'occasion, quand je n'en peux plus de les voir se masturber devant leur propre image, une idée que j'aurais pu écrire un jour, le talent littéraire et le langage abrupt en moins, mais que je n'avais jamais lue nulle part avant.

"Il se baisent à travers les femmes, beaucoup d'entre eux pensent déjà aux potes quand ils sont dans une chatte. Ils se regardent au cinéma, se donnent de beaux rôles, ils se trouvent puissants, fanfaronnent, n'en reviennent pas d'être aussi forts, beaux et courageux. Ils écrivent les uns pour les autres, ils se congratulent, ils se soutiennent." Franchement, on est en droit de se demander ce que la plupart d'entre eux fout avec nous ? "La peur d'être PD, l'obligation d'aimer les femmes " ??? Mais, allez-y sans crainte, j'ajoute mes encouragements à ceux de Virginie.

Voilà, il y aurait encore mille choses à relever dans ce livre somme toute assez court que j'ai aimé autant que détesté.

Peut-être parce que c'est avant tout une romancière, Despentes ne prend pas les précautions d'usage pour parler des rapports femmes/hommes ou, dit autrement, elle prend les libertés auxquelles une sociologue ou une philosophe n'a pas accès ou, du moins, ne s'autorise pas l'accès. C'est ce qui fait tout l'intérêt de cet ouvrage mais aussi sa faiblesse ...

jeudi 11 novembre 2010

Savoir digérer... pardon, rédiger

Déniché pour mes stagiaires, le "Savoir rédiger" de Larousse s'est révélé être une mine de sexisme ordinaire. Est-il utile de vous préciser qu'il s'agit de l'édition 2010 ? Que son auteur est un homme, que le féminin en est quasiment absent et que les prénoms à consonnance étrangère y sont carrément inexistants ?

En vert les phrases-exemples tirées de l'ouvrage, en rouge mes commentaires.

  • Dans le paragraphe consacré à l'adjectif épithète:
Un ridicule chapeau vert et rose; un adorable enfant blond.
Une mère adoptive comblée; un député socialiste combatif. (un choix sexiste et pathétique; un énorme androcentrisme fatigant)
  • Quelque part dans le chapitre sur la ponctuation:
J'ai offert un ours à Thomas et à Karine, une poupée. (phrase relevée uniquement pour stimuler votre inventivité à l'approche des fêtes)
  • Au sujet de l'emploi des pronoms personnels:
Louise pèle la pomme pour sa petite soeur. Elle la lui pèle. (parce que "Fernand pèle la pomme pour sa petite soeur. Il la lui pèle." ça ressemblait trop à un fantasme de féministe castratrice (peler une pomme pour sa soeur = chute inévitable des couilles))
  • Pour illustrer l'emploi du subjonctif dans les subordonnées:
Il se peut qu'elle ait tort. (mauvaise langue que je suis, il y a des phrases où le féminin fait des apparitions)
Ne crois pas qu'il te veuille du mal. (les hommes sont dangereux, on ne vous le répètera jamais assez)
Je ne suis pas sûrE que vous aimiez ma cuisine. (décidément, je n'avais pas réalisé que les femmes avaient aussi leur place dans ce manuel)
  • Dans un paragraphe intitulé "Ce que les mots veulent dire":
Cet homme est un vieux renard = un homme rusé, comme peuvent l'être les renards (métaphore).
Cette femme porte un renard = un manteau en peau de renard (métonymie). (tout commentaire serait superflu ici et revêtrait un caractère de (redondance) tant le propos est limpide)
  • Pour les néologismes:
(...) une vieille paricadelle ramiellée et foruse se hâtait vers la ville (...) La paricadelle excitée et quelques vieilles coquillardes, sales rides et mauvaises langues, achactées à tout, épiaient les retardataires. (Henri Michaux, Plume, 1930) (l'auteur est désolé et s'en explique: il s'agit là du seul extrait littéraire contenant des néologismes qu'il ait pu trouver)
  • Une illustration d'utilisation abusive des mots passe-partout (ici, l'adverbe très):
Cet homme est très grand, très riche, très célèbre. (et très entouré de très  très belles femmes très sexy)
  • Dans une mise en garde sur l'emploi des formules de politesse:
Attention: A une femme mariée, un homme présente ses sentiments respectueux ou ses hommages. Mais il n'est pas d'usage qu'une femme présente des "sentiments" à un homme: elle se contentera de salutations ou de son meilleur souvenir. (pour ma part, je me contenterai de vous les fourrer dans les trous du nez, vos usages à la noix)

lundi 8 novembre 2010

Permis d'exploiter

Spot radio, campagne contre les violences conjugales:


Lui: Mmmmh, ça sent bon, qu'est-ce que tu nous as cuisiné ?

Du bruit nous parvient en filigrane sonore, probablement une dispute entre les voisins du couple.

Elle: Des tomates à la provençale.

La conversation semble s'envenimer: Sale pute, bonne à rien, etc.

Lui: Tiens, elles ne sentent pas comme d'habitude, tu as mis du basilic ?

Grand fracas, cris, bris d'objets à côté, le voisin tabasse sa femme.

Le spot se termine sur une exhortation à signaler les violences conjugales dont nous serions témoins d'une manière ou d'une autre.

Bien. D'un côté un super mari, attentionné et tout, qui s'enquiert de savoir quel condiment vient modifier l'habituelle recette de sa dévouée petite femme, le bonheur conjugal quoi; de l'autre un gros salaud qui bastonne et insulte la sienne sans autre forme de procès (peut-être a-t-elle oublié, cette andouille, le basilic dont il raffole sur les tomates ...).

Voilà bien le genre de campagne dont les femmes se passeraient. Car sublimer et légitimer une violence, c'est-à-dire l'ignoble exploitation domestique qui précarise, surmène et use, pour en dénoncer une autre c'est nous faire croire qu'il y a des oppressions condamnables et d'autres qui sont emplies de bienveillance et de poésie. 

C'est couper le lien évident qui existe entre ces deux formes de violences de genre: les femmes au monde pour les hommes, peu importe leur utilité, exutoire ou bonniche.

Et surtout, c'est faire entrer dans nos cervelles de femmes, une bonne fois pour toutes, que nous sommes au service du mâle, comme ça, gratuitement, que c'est ça notre bonheur et que nous devons nous estimer heureuses d'avoir un compagnon tellement formidable et magnanime qu'il ne nous raye pas la gueule à chaque fois que nous modifions maladroitement, par oubli ou par audace, la recette des tomates à la provençale.

mercredi 3 novembre 2010

R.A.S

« Le sexe féminin a un caractère d’absence, de vide, de trou qui fait qu’il se trouve être moins désirable que le sexe masculin ... » Lacan.

Le sexe féminin, un trou; leur clitoris, un pénis atrophié; leur absence de vrai pénis, un affront dont les femmes ne se relevèraient jamais ... voilà la sentence. Circulez, y a rien à voir ! Mais enfin, de quoi souffrent ceux qui placent leur anatomie au centre de toutes les représentations ?

S'ils nous avaient écoutées, s'ils nous avaient simplement laissé parler, nous leur aurions dit que notre sexe, notre ventre sont pleins, entiers, palpitants,  vivent au rythme de cycles réguliers et sont potentiels de vie. Que jamais nous ne ressentons cette béance dont nous serions victimes. Qu'il nous convient bien comme ça, soudé, à l'abri, au chaud avec tout le matos qu'il faut pour jouir seule ou accompagnée. Que nous savons toutes que l'origine de chaque vie humaine se trouve précisément circonscrite là, même si l'on a décidé de ne jamais enfanter.

Quelle idée d'ailleurs de parler en notre nom ! Et c'est quoi cet acharnement à réduire notre sexe à un orifice ? Chez les psys, les prostitueurs, les pornographes et les pornophiles. Epilé, aseptisé, dématérialisé, anéanti, indésirable, béant, vacant, réduit à sa plus simple expression, plus de clitoris, de lèvres, d'utérus, un trou, du rien ... c'est trop, c'est louche, c'est quoi votre problème ?

Allongez-vous Monsieur Lacan.

Monsieur Freud, je vous fais patienter, je suis à vous dans un instant.